Encore une belle traversée
Publié le 28 Juillet 2015
En 2006, j'ai commencé à explorer le massif de Belledonne en faisant des traversées d'arêtes, en vue de la préparation du topo Belledonne escalade dans lequel cohabitent en proportions à peu près équivalentes (la nature a ici bien fait ces choses-là) les voies modernes, les voies non équipées et les arêtes pas trop difficiles (et même peu difficiles).
Ces dernières restent délicates en raison du rocher rarement bon et du lichen mais il en est quand même qui sont bien belles. Celle-ci n'est pas la plus belle mais sans doute une des plus sauvages. Je n'y ai croisé personne et les traces de passage sont nulles. On ne trouve pas non plus de mention sur le net (je n'ai pas cherché plus que ça non plus).
Cela faisait quelque temps que je voulais faire ce "bout" qui me manquait entre la Pierre du Pin (1900 m) et le sommet de la Porte d'Eglise (2800 m) soit 1000 m d'arête en comptabilisant les petites descentes intermédiaires. Je ne pensais pas aller si loin (je voulais m'arêter au petit sommet de l'Eglise à 2550 m) et encore moins avec la météo qui se dégrade en arrivant à la Pierre du Pin et le brouillard mais en sortant de la nappe vers 2200 m d'altitude dans une lumière limpide, je sais que plus rien ne m'arrêtera.
La suite de l'arête. Après un début végétatif (heureusement que ce n'était pas mouillé) et quelques ressauts un peu grimpants et envahis par la végétation les rendant peu intéressant, le terrain devient plus aimable
Autoportrait. Mode d'emploi : Pana GM1 posé sur un caillou, piloté à distance par l'Iphone en mode wifi. J'ai essayé d'aller sur l'autre promontoire en arrière-plan mais le wifi n'a pas voulu fonctionner à cette distance.
Après ce début facile, ça se corse. Pour arriver au point 2398 m (échappatoire facile ensuite), deux ressauts rocheux granitiques se présentent. Il est très tentant de les contourner par l'est. Le premier par une descente de guère plus de cinquante mètres (de dénivelé), le second par une vire évidente ne faisant perdre que trente petits mètres. Mais j'ai fait mon têtu et ai gardé le fil de l'arête. Ces deux ressauts restent très délicats de par la qualité du rocher. Quelques pasages d'escalade assez délicats en solo en baskets (4b). Bien regarder avant de s'engager. Au niveau du second ressaut, un aigle royal vient faire quelques cercles juste au-dessus de ma tête.
Au sommet 2550, je décide de continuer. Ressaut rocheux intéressant et facile (3 max) pour accéder au sommet 2601. Après un peu de marche dans des éboulis, on attaque le ressaut terminal. C'est facile mais il faut rester concentré. A mi-hauteur, petit passage raide en très bon gneiss (photo), cotation 3. Ensuite, j'ai tiré à gauche pour sortir pile au sommet du couloir du triangle skié en 2005 (ou 2006 ma mémoire me fait défaut) avec Justin. Le sommet, aérien, est juste après. Remarques photo : va falloir changer le t-shirt et aussi, bientôt la barbe plus longue que les cheveux ?
Le passage dans les gros gneiss roses (superbe passage) pour rejoindre le col entre le sommet 2812 et la pointe de Comberousse
Les mêmes gneiss roses depuis le petit col où j'ai bivouaqué (un seul emplacement de bivouac, le reste ce sont des cailloux) lors de ma traversée du Gleyzin après 1400 m d'arêtes depuis la Berlanche en juillet 2007
Un peu pressé par d'autres occupations de la journée je shunte le sommet de Comberousse (que je connais par coeur) pour rejoindre par une vire très aérienne dans la face nord l'arête nord de cette pointe, arête que je n'avais jamais faite sauf en amont de l'épaule (là où l'on sort classiquement à skis). C'est justement sur cette épaule que j'aboutis pour suivre ensuite l'arête à la descente et finir par les névés du bas de la face.
Triste constat : la face est dans un état pitoyable, pire qu'à la mi-août 2012 (qui était le pire état jusque là puisque 2013 et 2014 ont été plutôt positifs pour les glaciers, le premier de par l'enneigement exceptionnel de l'hiver et du printemps, le second de par le côté exécrable de l'été). Il ne reste qu'un névé à mi-hauteur. Quant au glacier du Gleyzin, je n'ai même pas revu les amoncellement de glace avec gros trous sous les caillasses. Il ne reste que quelques pauvres plaques de glace. Un petit lac est en train de se former à la base de l'ancien glacier. De nombreuses plantes poussent sur la moraine. L'endroit est absolument méconnaissable par rapport à ce qu'il était dans les années 80. La montagne comme ça, c'est triste à voir. Il va falloir s'y habituer et venir ici plutôt en juin et juillet les bonnes années.
Au final, la descente est plutôt bien passée : 1h30 depuis l'arête nord de Comberousse jusqu'au parking dans du terrain quand même peu adapté à la course. Le pire reste peut-être cette section entre le plateau des Motteux (2150 m - appellation locale) et le refuge de l'Oûle. Un vrai casse-pattes !