Au paradis
Publié le 2 Août 2015
Après une journée froide et pluvieuse, deux jours de grand beau sont annoncés. Thibaut est disponible et ça fait longtemps qu'on n'a pas grimpé ensemble alors feu. On sort l'artillerie et direction Chamonix. J'ai fait pas mal de granit à Ailefroide, à la tête de la Maye, à Dibona mais finalement assez peu sur la protogine du Mont-Blanc. Et surtout, il y a déjà quelques temps et dans des voies classiques équipées soit sur goujons, soit sur pitons. Se lancer dans une voie difficile (on continue dans le registre des ED) sur coinceurs est une première pour moi et c'est non sans une petite appréhension (pour moi) que nous empruntons le train du Montenvers.
Echelles, marche, échelles... nous voici sur le sentier de la Charpoua que l'on quitte assez vite dans les éboulis à droite en direction de la face ouest du Moine. Nous atteignons la base du couloir Moine-Nonne et commençons la partie délicate de l'approche. Un passage un peu exposé sur des dalles amène à une corde fixe qui permet de remonter une zone compacte en 4 puis on poursuit plus facilement, toujours en ascendance à droite. On gagne une petite brèche au feeling et on traverse le couloir suivant en légère descente pour gagner le grand cirque qui va nous amener au pied de la voie convoitée : la voie du Druide.
On ne se presse pas car l'attaque est encore à l'ombre et toujours mouillée par les pluies de la nuit. On pose les sacs, on mange un bout on s'équipe et on démarre tranquillement. 12h30. L1 (6a+) sera la seule longueur que nous n'enchaînerons ni l'un ni l'autre en raison d'une dalle trempée qui nous vaudra le pied sur le spit. Rien de bien méchant, d'autant que la suite ne sera que pur plaisir mais une longueur qui va nous prendre une heure à deux.
Pour L2 (6b+), compte tenu de mon expérience, du niveau de Thibaut et du caractère encore mouillé du dièdre, je laisse mon partenaire faire le travail et poursuis mon apprentissage de ce rocher en second. Les pieds tiennent partout.
Thib' se tape la dalle de L3 (6c sur 20 mètres, 4 points... ne pas trembler) et enchaîne. Idem derrière ... mais derrière ! Quelle longueur ! Toutefois, le fait d'enchaîner en second me motive pour grimper enfin en tête et L4 (6b) n'est qu'une formalité.
L3 et son 6c "psychodalle" En second, on est beaucoup plus serein même si on pourrait penduler un peu. Et ça enchaîne même.
Du coup, j'impose sans discussion à mon compagnon de me laisser faire la fameuse fissure de L7 sur coinceurs (6c) et pars surmotivé. Et ça enchaîne ! Quelle longueur !!!! Il n'y en a pas des dizaines des longueurs comme ça. Quarante cinq mètres de fissure qui se durcit au fur et à mesure pour finir par des crochetages de demi-phalanges, les pieds sur des petits gratons qu'il faut sentir malgré mes chaussons morts, quasi troués.
Descente hyper efficace en rappels.
On profite du paysage de cette fin de journée splendide. Le saucisson (bien que j'ai très largement diminué la consommation de charcuterie depuis quelques mois) est appréciable, de même que le bout de tomme (là-encore une petite entorse à mon "régime" sans lait de vache).
Les belles choses ont une fin. Il serait bien de ne pas arriver trop tard au refuge du Couvercle où nous attend le repas du soir. Il est déjà dix neuf heures trente. Sur les conseils de Mick, on tire droit dans le couloir sous la face et en louvoyant, on finit par arriver sur le sentier sans sortir la corde. Et hop, une demie-heure de gagnée même si on aurait pu grappiller encore dix minutes par un couloir herbeux raide mais les baskets slick du Tibal n'auraient pas apprécié (enfin, c'est plutôt lui qui n'aurait pas apprécié). Après avoir appelé le refuge pour leur donner une heure approximative d'arrivée, on se délecte de ce paysage du soir dans un massif où le silence est enfin retrouvé (que d'aéronefs en journée...).
La jonction avec le refuge est longue. On monte, descend, monte, descend. Et des p... d'échelles.
La soirée finit de la plus belle façon : superbe repas, refuge calme, paysage somptueux, rencontre en live de Vivian Bruchez (nous ne nous connaissions que par messages électroniques), petite séance de photo nocturne avant que la lune ne sorte. Et une petite mais bonne nuit de sommeil.
Sur le chaînon des Ecclésiastiques, sous le Moine, la Nonne, l'Evêque, le Cardinal... si le pardis existe, c'est sûr, on y était.
Aiguille du Moine, voie du Druide, 320 m, ED, 6c (6c obligatoire). Prendre un jeu de Camalots C3, un jeu de Camalots C4 jusqu'au n°3 (qui permet de protéger le début de L4 avant d'atteindre la lunule) en doublant tous les autres, ainsi qu'un jeu de câblés. Laisser cinq dégaines disponibles.