Invasion
Publié le 24 Mai 2016
La veille c'était rebelotte pluie et neige en (moyenne) montagne. Cet hiver ne restera pas dans les mémoires mais on en retirera quelques particularités :
- Démarrage très tardif (mi-février) après plus de huit mois d'anticyclone excepté quinze jours fin septembre
- Un enneigement exceptionnel des grandes pentes d'altitude dans les Alpes du nord en avril-mai permettant des réalisations à skis plutôt rares
- Un printemps pas terrible côté météo ; le cinquième consécutif et le sixième en sept années si on compte 2010 (et donc ce qui semble devenir l'exception comme en 2011)
Et nous voilà avec un enneigement qui se rapproche de celui de l'an dernier mais avec un mois de retard alors que les deux années se ressemblaient à la mi-avril.
Les sorties en baskets sont donc retardées ; les plans escalade du soir contrariés. La veille, c'était spéléo au boulot et ça tombait bien compte tenu du deluge. Du coup, pour cette sortie du mardi soir, il fallait encore jongler avec les falaises mouillées, la couverture nuageuse et la neige au sol en moyenne montagne, sans compter les bouchons habituels (quoique ce soir-là, un olibrius s'étant planté sur l'autoroute suite à un refus d'obtempérer à un contrôle de police, c'était une véritable pagaille en direction de Lyon).
Bref, direction Saint-Egrève où je ne suis pas allé depuis quelque temps et la paroi de l'Amazone que j'aime bien. J'ai déjà gravi deux fois "nuit de cauchemar" (ED-, 6c, 6b obl) et trois fois "Domi création" (TD+, 6b+, 6a+ obl). L'idée était de revenir pour faire une nouvelle voie (7a max, 6b obl) nommée "dur réveil" et située sur le côté gauche de la face. Pour s'échauffer, on commence par "Ya kekchose", sur le papier deux longueurs (5c+ ; 6b+) que nous ne connaissons pas.
Dès la marche d'approche, nous sommes mis au parfum. Il n'y a vraiment personne qui vient ici, c'est plein de toiles d'araignées sur le sentier. Ah ben non, en fait ce sont des chenilles. Une véritable invasion. Je n'ai jamais vu ça. Et ça continue dans toute la première longueur. Au-delà de cette présence fort désagréable, nous constatons plusieurs buis bien secs. Pourtant ce n'est pas la sécheresse.
En rentrant le soir, nous retrouvons certaines de ces chenilles dans nos vêtements ou sacs à dos. Après information, il semblerait que ce soit la pyrale du buis, une espèce invasive qui s'attaque à cette seule plante et la détruit. Avec la multiplication des échanges, ce genre de modifications est de plus en plus fréquent. Elle a été observé pour la première fois en France en 2008 mais on suppose qu'elle serait arrivée deux ou trois ans auparavant. Originaire d'Asie, la pyrale s'attaque aux buis jusqu'à destruction totale et n'a aucun prédateur naturel véritable chez nous. Il existe des traitements utilisables "à la maison", à base de Bacillus thuringiensis (comme cet insecticide compatible agriculture biologique) mais pour lutter à plus grande échelle, c'est sans doute beaucoup plus compliqué.
Outre ces chenilles, j'ai trouvé que le secteur était de plus en plus envahi par la végétation. Si la patine des vieilles voies témoignent d'une époque à succès, ce temps est ici révolu et il n'y a pas foule. C'est dommage car les voies perdent de l'intérêt et c'est notamment le ressenti de notre escalade du soir (à moins que l'on devienne de plus en plus exigeants).
- Y'a kekchose. L1 : 5c+ sur le papier, départ abo (terre, feuilles mortes, herbes + chenilles, araignées, lézards...) Ok ces petites bêtes sont chez elles mais cela témoigne d'un rocher complètement à l'abandon. J'ai tiré sur les deux premiers spits ainsi que sur le vieux piton pourri entre les deux. Suite de la longueur sans aucun intéret. L2 : 6b+. Cotation old scholl, probable 6c+ aujourd'hui. Il faut poser ses pieds sur un rocher un poil patiné. Devant, ça zippe ; derrière, ça pose le pied sur le spit. On a poursuivi par L3 de "dur réveil" (7a). C'est pas mal mais pas majeur non plus. Compter plutôt sur une longueur en 6b+ avec un pas (un seul) non réussi (sûrement pour des bras ultra longs qui pourront aller directement dans le "bénitier"). On a terminé par la très belle (enfin) L4 de "nuit de cauchemar" (6c).
- Dur réveil. Après la descente en (quatre) rappels (avec une corde de 70 m), on repart (donc) dans "dur réveil" pour faire L1 et L2. On a bien repéré le bazar : L1 se joue sur deux ou trois points peu après le sol et ce sera encore bien bloc. On n'a pas compris le mouvement. Pourtant, l'ouvreur n'annonce "que" 7a. On rentre et très franchement, on n'a pas bien envie de revenir dans le secteur. Pourtant, je suis sûr qu'avec un peu d'entretien, ce secteur pourrait redevenir à la mode.