Chamonix : quel drôle de monde !

Publié le 21 Août 2016

On pourrait imaginer une montagne absolument vierge d'équipements : pas de remontée mécanique, pas de refuge, pas d'échelle, pas de câble, pas de passerelle, pas de spit, pas de piton... Elle serait beaucoup moins fréquentée, notamment sur le rocher.

Mais au fil du temps, l'homme a partout cherché à se faciliter l'existence en aménagement ses itinéraires de déplacement, de la route à l'Everest.

Aujourd'hui, la montagne est équipée de téléphériques et de refuges pour diminuer l'engagement physique et la durée des courses, d'échelles, câbles, corde fixes, barreaux pour sécuriser des sentiers, de points d'assurage pour permettre l'escalade assurée avec une corde même si elle resterait possible sur de nombreux itinéraires protégeables sur coinceurs...

Chamonix se dit être la mecque de l'alpinisme. Mise au devant de la scène depuis plus de deux siècles, elle reste effectivement sans égal. Où trouve-t-on, dans le monde, une telle concentration d'itinéraires rocheux, glaciaires, mixtes, une telle concentration de sommets sur un si petit espace, une telle quantité d'équipements artificiels pour en faciliter l'ascension et donc une telle concentration de prétendants à ces sommets ? Ne cherchez pas ; c'est nulle part ailleurs.

Mon ressenti personnel sur cette vallée est mitigé. D'un côté, la montagne. Belle, majestueuse. Celle qui m'a fait rêver étant enfant avec Rébuffat. Des cimes étincelantes dominant avec prétention des vallées encaissées. L'aura du mont Blanc. La magie de l'escalade en granit sur coinceurs. La magnificence de la protogine chamoniarde. De l'autre, une surfréquentation (ceci expliquant cela...) avec tous les problèmes que cela engendre (accidents à cause d'autres cordées - perte du côté "wilderness" en raison de ce monde et de tout l'équipement en place - propreté : que de déchets dans la montagne !...). Après y avoir passé une partie de l'été, je suis content de retrouver Belledonne.

Mais là n'est pas la question. Ces équipements se modifient d'année en année en raison du retrait glaciaire notamment. C'est ainsi que les échelles de la mer de Glace se voient régulièrement modifiées avec l'ajout de nouvelles marches. L'année dernière, j'étais allé faire la voie du Druide à l'aiguille du Moine. Au sommet, l'altimètre indiquait 3000 m pour une voie de 300 m de dénivelé soit une attaque à 2700 m d'altitude. Le train du Montenvers nous dépose à 1900 m. Il ne reste donc que 800 m d'approche. une broutille sur le papier. Il nous a fallu près de... trois heures. Eh oui. Bien chargés, avec les échelles de la mer de Glace à descendre (150 m de dénivelé) puis celles à remonter en face, en une heure, on n'a pas commencé à déniveler. Il y a ensuite la traversée sous le glacier de la Charpoua puis le final sous l'attaque un peu scabreux. Tout ça pour dire qu'avec cet accès (le plus rapide), c'est déjà très long d'aller se balader dans ce secteur et celui de la Charpoua et des Flammes de Pierre.

Cet accès a été démonté cet été. On parle d'évolutions des moraines et des glaciers. Pour l'avoir emprunté l'été dernier, certes, il y a bien quelques mètres terreux/pourris raides pour gagner la base des échelles. Un endroit où il faut être vigilant pour ceux qui sont en aval (pierres). Mais rien de plus qu'en des centaines d'autres endroits en montagne. Serait-ce cette traversée sous les séracs de la Charpoua (dessous mais loin dessous et qui se passe très vite en courant) qui aurait réellement motivé cette modification ?

Un nouvel itinéraire évitant la traversée sous lesdits séracs a été crée plus en amont. Il faut toujours descendre sur la mer de Glace puis remonter. Mais en plus, il faut aller vers le sud pour revenir vers le nord. Combien de temps cela rajoute à l'accès de ce refuge ? Une heure ? Et aux voies des Flammes de Pierre ? Une heure trente ? Ah non, on a crée à la place une voie d'escalade qui permet d'y accéder directement. Trois longueurs en 4 (deux rappels au retour) à la place d'une marche sur des échelons. Ca doit bien valoir une heure quand même. Autant dire qu'il va falloir courir pour attraper le dernier train mais surtout accepter cette regression. Il y a des tas d'endroits (la majorité... heureusement) où le terrain nous dicte les détours à faire et où l'homme n'a pas aménagé pour faire mieux. Mais ici, l'aménagement existait. Que l'on veuille rajouter une petite sécurité supplémentaire, soit. Mais pourquoi ne pas avoir laissé les deux possibilités ?

Combien d'accidents y a-t-il eu sur cet itinéraire ? Pour des raisons de logique, ne devrait-on pas dynamiter les séracs du Tacul et du Maudit ? Ne devrait-on pas interdire l'accès au Goûter ô combien plus dangereux ? Ne cherchez pas, à Chamonix comme ailleurs, la logique, c'est de se protéger au maximum ; la logique c'est aussi et surtout l'argent. On continue à envoyer des grappes de cordées sur les Trois Monts et au-dessus de Tête Rousse. La Charpoua, on s'en contrefiche. Personne ne va là-haut. Quant aux balcons de la mer de Glace, le nouvel itinéraire permet quand même de réaliser une boucle et gardera un certain attrait. Tout a bien été calculé.

Courage aux gardiens de la Verte pour les prochaines saisons. Quant à moi qui n'avais pas encore grimpé sur les Flammes, je passerai mon tour, en tous cas à la journée. Il y a mieux à faire.

Voir ici le nouvel accès.

Rédigé par lta38

Publié dans #humeur

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