Haut sommet manquant
Publié le 4 Février 2018
Pour les skieurs des massifs du sud (05, 04, 06) et finalement des autres départements français (Savoie avec toute la Vanoise/Maurienne ; Haute-Savoie avec le Mont-Blanc, massifs si facilement accessibles avec des départs élevés soit routiers soit mécaniques), l'altitude du bec d'Arguille (2891 m) peut prêter à sourire. Le qualifier de haut sommet encore plus. Mais tout est relatif.
A Chamonix, on sort à 3800 m en-haut de la nord-est des Courtes mais après être monté avec la benne jusque sur le glacier d'Argentière ; dans le Queyras ou en Ubaye, on va se balader sur des 3000 souvent faciles par leur voie normale avec un parking proche des 2000 m.
Le bec d'Arguille en Belledonne, n'est pas plus beau que les autres sommets. J'ai même envie de dire que c'est un sommet très quelconque qui n'a pas de forme caractéristique. De loin, si on devait isoler ses voisins du regard, la plupart des randonneurs ne sauraient pas lui donner de nom tellement il est banal.
C'est pourtant le point culminant de ces trois pointes façonnées par la nature entre combe Madame et Grande Valloire, et, de ce fait, le cinquième grand sommet du massif. En regroupant les hauts sommets de Belledonne, on a en effet le decrescendo suivant : 1- chainon du Grand Pic (+ pic Central, Croix) 2977 m ; 2- chainon du rocher Blanc (+ Badon, Pyramide, Toit) 2928 m ; 3- chainon des aiguilles de l'Argentière (5 aiguilles dites "les Grandes") 2915 m ; 4- Puy Gris 2908 m (isolé) ; 5- Groupe de l'Arguille (Bec, Rocher et Pic de la Grande Valloire) 2891 m.
Mais surtout, le bec d'Arguille, c'est une bonne grosse bambée. Un départ à 1050 mètres avec un peu de longueur dans la combe Madame et il faut une envolée de près de 1900 m d'une seule traite pour se dresser (fièrement, ou pas) sur son sommet. Cela faisait quelques années que je l'avais en carafe et quand j'ai vu qu'il venait d'être skié alors qu'il est complètement oublié par les skieurs habituellement, je rage un peu en espérant qu'il n'y aura pas eu l'habituelle suite des "emboîteurs de pas" ; ceux qui choisissent systématiquement les itinéraires venant d'être faits. Pour ma part, j'ai plutôt tendance à faire l'inverse et ne pas aller si ça vient d'être fait. Mais bon, il ne faut pas non plus se prendre la tête avec des principes à la con. Il a reneigé depuis et avec un peu de chance, ce ne sera pas tracé. Et puis, aller tutoyer les champignons de glace comme en Patagonie (j'exagère un peu mais quand même...) nous donne vraiment envie.
En bref, on pourrait comparer ce genre de montée sèche de 2000 m d'une seule traite aux grandes courses de l'Oisans/Valgaudemar ou du secteur de Miage, l'altitude en l'engagement en moins.
Au final, pas de trace à partir du moment où on quitte la voie classique du col de la Croix et un final somptueux pour cette bonne grosse bavante, plus longue que le rocher d'Arguille ou le pic de la Grande Valloire malgré un dénivelé similaire. Après quelques vallonnements en peaux, un premier passage raide puis une pente suspendue terrible et une sortie aérienne au milieu des choux-fleurs.
Et une première avec Damien et Vincent qui reviennent enchanté de l'ambiance que l'on est allé chercher là-haut. Pas de grand soleil mais c'était sans doute encore plus beau avec des conditions juste comme il le fallait (froid mais pas trop, petite neige mais excellente visibilité avec l'accalmie pour la descente).
Ce bec d'Arguille était un des hauts sommets du massif de Belledonne qui me manquait. J'ai envie de dire que si on excepte les itinéraires extrêmes (Grand Pic...) ou faciles (Croix...), le bec d'Arguille est sans aucun doute le plus haut sommet de Belledonne disposant d'une voie normale alpine (mais pas trop - ski = 4.2). Nous on l'a adoré.