Glaciation tardive
Publié le 28 Février 2018
Moins neuf degrés en Grésivaudan le dernier jour du mois de février. Il faut remonter très loin pour retrouver de telles températures à cette date, peut-être en février 2005 ou carrément en 1971 d'après les météorologues. De quoi noter ça précieusement dans les tablettes ; c'est le jour le plus froid de l'hiver avec -26°C dans le frigo de Bessans, -20°C à Chamrousse qui n'est pas une secteur particulièrement froid, -30°C à l'aiguille du Midi...
Ce n'est, malheureusement car j'aime particulièrement ces conditions, qu'une parenthèse qui termine un mois de février plutôt frais et moins humide que les précédents et précède un redoux de saison avec de la pluie pouvant remonter jusque vers 1800 mètres d'altitude. Pourtant, les médias en ont fait tout un pataquès comme s'il arrivait une catastrophe climatique... Passons.
A propos de froid, de neige, on peut considérer être maintenant à mi-saison de ski (le vrai ski hein ? celui où l'on monte par ses propres moyens car le ski "mécanique" entre dans son dernier round, non pas par le manque de neige mais par le désintéressement des "touristes" à partir du mois d'avril, alors que c'est LE mois où il y a le plus de neige au sol au-dessus de 2000 m d'altitude). Car la saison de ski va grosso modo de mi-novembre à mi-juin. On est donc pile au milieu.
L'occasion de faire un petit bilan des chutes de neige. La hauteur de neige plaît pour nos statistiques, mais encore faut-il la relever méthodiquement, sur une surface plane, toujours au même endroit, les variations pouvant être importantes sur deux lieux proches. Lors de chutes d'une épaisseur certaine, il faudrait même relever régulièrement puis ajouter en ayant pris soin d'enlever les couches afin de ne pas fausser la mesure par le tassement, d'autant plus que la neige est lourde. Pour le skieur, les relevés des hauteurs de neige ont plusieurs intérêts : savoir quel va être le type de ski en fonction de l'épaisseur et de la densité de la dernière chute, savoir à partir de quel moment dans l'hiver on peut espérer skier sans toucher grâce à un cumul suffisant, estimer la durée de la saison en fonction du cumul total des chutes de neige.
Un bon outil objectif reste les balises Nivose Météo France. Ces balises automatiques permettent de suivre en quasi direct (je me suis toujours demandé pourquoi les données arrivaient avec deux ou trois heures de retard) l'évolution de l'enneigement : la hauteur de la dernière chute, le cumul au sol. Pour le cumul total, on n'a pas le choix que de tout noter chute par chute.
Météo France est un entreprise qui subit aussi les effets de la crise et n'a peut-être pas les moyens d'investir davantage dans l'étude de la neige. Cependant, avec un minimum d'investissement, nous gagnerions en information avec quelques modifications :
- Pour les Alpes du nord, déplacement de la balise Nivose de Saint-Hilaire en Chartreuse (très mal placée dans une pente forte et sensible aux vents) à une altitude équivalente en face : soit en Belledonne nord, soit en Lauzière et ajout d'une balise à l'ouest de la Haute Savoie vers 1800 m (Aravis ?)
- Pour les Alpes du sud, déplacement de la balise du col Agnel encore plus mal placée que celle de Chartreuse sur une bosse ventée. Elle gagnerait à se retrouver juste au nord (Valpréveyre, l'Echalp) vers 1800-2000 m afin de mieux rendre compte des retours d'est. Ainsi que l'ajout d'une balise dans le secteur au micro-climat (lors des coups de Lombarde) de la Vallouise (par exemple au pré de Mme Carle à 1900 m) qui bénéficie souvent d'un enneigement supérieur celui du Champsaur équipé de la balise d'Orcières.
En attendant ces hypothétiques aménagements, grâce à l'historique de certaines balises relevé sur le net, j'ai pu noter les cumuls suivants sur la Chartreuse (un peu handicapée - tout en étant très bien lotie cette année - par les coups de redoux réguliers) et sur Belledonne qui affiche aujourd'hui la plus forte valeur au sol des Nivose françaises, sans surprise de par sa situation au meilleur endroit du massif et à une altitude la mettant à l'abri de nombreux coups de redoux.
- Col de Porte (Chartreuse, 1330 m) : 480 cm de novembre à février inclus. C'est moins que lors de la grosse année 2013 avec 571 cm et 718 cm sur l'ensemble de la saison. Un mois de mars et un mois d'avril frais et humides pourraient rattraper le "retard". On se souviendra de certains mois d'avril hyper neigeux (1994, 2005, 2008...). A suivre.
- col de l'Aigleton (Belledonne, 2240 m) : 751 cm. Cette fois, c'est plus qu'en 2013 avec 680 cm mais cette dernière mesure est imprécise car la balise avait pas mal buggé cette année-là et les relevés sont difficiles et sous-estiment à coup sûr les quantités. On peut raisonnablement penser qu'on était au-delà des 700 cm. En 2013, la neige avait été présente sur cette balise jusqu'au 8 juillet, de loin le record depuis... probablement les années 80. Mais ce n'est pas pour autant qu'on fera mieux cette année. Le printemps 2013 avait été littéralement pourri, notamment au moi de mai où l'on pensait être "tiré d'affaire" avec des températures très basses pour un cumul de neige à l'Aigleton sur la saison dépassant les 950 centimètres (compte tenu des bugs, on peut raisonnablement tabler sur un hiver à dix mètres de neige). Trois mètres venir sont toutefois tout à fait possibles d'ici l'été.
En attendant la suite de l'hiver, quelques images glaciales de ce mercredi.