Quel gâchis !
Publié le 27 Avril 2018
Alors certes, il reste encore pas mal de neige en montagne avec des limites d'enneigement continu vers 1400 m en nord (terrain dégagé) et plus généralement vers 1500 m dans les vallons hors dépôts d'avalanches. Des conditions finalement pas loin d'être normales pour une fin avril (ou un début mai) alors que l'on avait un enneigement exceptionnel.
En effet, je n'ai jamais vu une fonte aussi rapide depuis que j'ai commencé le ski de montagne en 1990. Notez plutôt : un mètre soixante de fonte au col de Porte en trois semaines et demi, passant ainsi du 2 au 27 avril de 180 à 20 centimètres !!! Et le pire, c'est que près de mille mètres plus haut, la balise de l'Aigleton a perdu un mètre vingt dans le même laps de temps, passant de 440 à 320 centimètres au sol ! Tout simplement historique ! Quel gâchis ! La faute à un début de mois sous le signe du foehn (pas de grosses chaleur mais vent de sud permanent, empêchant le regel nocturne) puis dix jours de canicule (près de 30 degrés en plaine), donnant au total plus de trois semaines sans regel. Et c'est la que se situe la limite.
Démonstration.
- Prenons l'exemple d'une situation un poil plus fraîche dans les maxima (disons 25 degrés en plaine - histoire de prendre une moyenne plus chaude que la normale quand même), dans un cas (n°1) par temps couvert ou vent de sud (pas de regel nocturne - qui s'apparenterait à la période passée), dans l'autre cas (n°2) par grand beau temps (et donc regel nocturne).
- Cas n°1 : fonte de la neige = 100% du temps (24h/24)
- Cas n°2 : versants est. Le regel intervient à partir du milieu de la nuit et l'arrêt de la fonte un peu avant, disons vers 22h. Le soleil tape vers 7h du matin, le dégel commence une heure après. Cela laisse environ 10h sans fonte. Fonte de la neige = 60% du temps
- Cas n°2 : versants ouest. Idem pour le regel. Le dégel s'effectue vers midi (parfois même plus tard) avec , on va dire, une attaque du manteau à partir de 14h. Fonte de la neige = 33% du temps
En moyenne, lorsque la neige regèle, on a donc une fonte deux fois plus lente que ce qui s'est passé ce mois d'avril. Bon, une telle situation est hypothétique et forcément, le printemps avançant, il fallait prévoir avec des coups de chauds. Mais pourquoi pas aussi avec des coups de froids, souvent de rigueur en cette période. J'aurais donc parié cher qu'on attaque le mois de mai avec au moins cinquante centimètres (et encore, c'eut été mon hypothèse basse) au col de Porte et quatre mètres à l'Aigleton.
Les randonneurs à pied apprécient ; la végétation rattrape son retard à une vitesse folle (là, encore, jamais vu ça). L'impression de ne pas avoir eu de printemps ; en plaine en tous cas, il n'aura pas existé. Fort heureusement, il reste la montagne à partir de 1500 m et les prévisions pour les jours à venir laissent présager une transition beaucoup plus douce, voire même tranchante avec ce que nous venons de vivre.
Bon, et sinon, un petit mot sur le Grand Sorbier depuis Chamrousse (et toutes les courses du secteur) :
- Ca chausse à Casserousse (1400 m) avec une langue de neige qui ne va pas tenir longtemps mais en acceptant de marcher quelques minutes, le départ devrait rester valable encore un moment et reste plus efficace et plus agréable (de mon point de vue) que le Recoin ou Roche Bé.
- Montée par l'arête ouest pratiquement tout à peaux (deux déchaussages, un pour prendre pied sur l'arête en raison d'un très court passage raide et étroit) et un autre sur l'arête au-dessus en raison d'une section déneigée caillouteuse) et sans couteaux (de toutes façons, je n'en utilise pas depuis vingt ans).
- Lacs Robert à peine au tout début de leur débâcle. Très beau liséré turquoise autour.
- Beaucoup d'excellents skieurs (bien meilleurs que moi en descente) avec une expérience très limitée de la montée (utilisation des couteaux sur de longues parties de cet itinéraire, conversions à des endroits mal choisis, trop nombreuses...). Le ski dit "de randonnée" s'est démocratisé au point d'être pratiqué à la fois par des skieurs ayant une expérience de la montagne et d'autres. Le bon point, pour les seconds, c'est que dans ce cas de figure (neige de névé, risque d'avalanche très limité) cela n'a aucune incidence sur la sécurité. C'est juste une histoire d'efficacité. On met un peu plus de temps, on est un poil plus fatigué mais ça le fait tout aussi bien. Ceci n'est par ailleurs qu'un simple constat et pas un jugement.
- Pente raide. Bien longtemps que je n'avais mis les pieds ici. Pour s'entraîner au virage raide, il y a actuellement une pente école située à gauche de la face sud classique (en regardant la face), en partant de la crête juste sous le sommet : un petit couloir étroit entre les rochers, incotable, à 50 degrés sur 50 mètres. Très court mais neige transformée ferme lisse parfaite pour s'essayer. Petit tout droit pour sortir. Malgré le peu de dénivelé, il ne faudra quand même pas s'en mettre une, au risque de rebondir à grande vitesse sur les cailloux !
Sorbier, descente. Dynastar Vertical Eagle 2018. Un compte-rendu à lire attentivement l'automne prochain pour celles et ceux qui cherchent un ski un peu large (86 mm au patin) et léger.