Covid, confinement et outdoor
Publié le 26 Avril 2020
Voilà six semaines que nous sommes confinés en France. A quinze jours d'une hypothétique "libération", il est temps de faire le point sur le sujet directeur de ce blog. Les activités de pleine nature, dites outdoor pour aller plus vite même si je n'aime pas ce recours systématique à la langue de Shakespeare, ne sont pas de première nécessité pour survivre mais pour certaines personnes dont je fais partie, demeurent un mode de vie, une osmose, un fil conducteur. Et c'est de cela dont je veux parler. Il y a des problèmes bien plus importants sur cette planète certes, et le Covid lui-même est dépassé par le cancer, la famine, les conflits qui perdurent dans certains pays, la crise climatique (pour laquelle on ne met pas la même énergie que le Covid mais qui risque d'avoir des conséquences plus grave à plus long terme)... Mais ce n'est pas parce qu'il y a des morts qu'on ne doit pas soigner sa bronchite...
Nos activités outdoor donc, ont été suspendues le 17 mars. Deux raisons sont avancées : éviter de se blesser et de finir aux urgences et réduire les interactions entre les uns et les autres. Si je veux bien entendre ce premier argument, le second me laisse perplexe. Si l'on exclut l'escalade où on touche tous les mêmes prises, on pourrait très bien skier (en rando s'entend), voler, sauter, rouler... seul. Mais effectivement, ce sont des sports dits à risque. Pas de chance, le seul qui demeure véritablement peu accidentogène reste l'escalade... Au début (i.e. le 16 mars), on ne savait pas. Ni Philippe, ni Véran, ni Raoult. Il m'est apparu indispensable d'imposer la prudence et d'interdire ces activités provisoirement. Durant les quelques jours qui ont suivi la mise en place du confinement, je me suis même accroché avec quelques amis qui poursuivaient le ski de randonnée depuis leur domicile (rares sont ceux qui le peuvent mais il en existe) en argumentant sur leur non prise de risque. Argument sans la moindre valeur : quand je sors, je fais en sorte de ne pas prendre de risque. J'essaie toujours de faire les meilleurs choix sur le terrain et j'imagine qu'on fait tous la même chose. Et pourtant, les accidents arrivent. Un caillou qui est à peine recouvert par la neige, une fixation qui déchausse ou casse voire une glissade imprévue... Bien présomptueux celui qui peut me dire qu'il est sûr à 100% de rentrer entier. D'ailleurs, certains se sont fait avoir durant le confinement et ont dû déclencher les secours. Il y a même eu des morts. Je ne leur jette pas la pierre. Paix à eux. Juste que l'accident est toujours possible. Mais quid de la randonnée "de base", i.e. sur sentier ? Elle a également été interdite et je dois reconnaître que par simplicité et aussi pour limiter les déplacements, c'était sans doute une bonne chose... au départ. Et puis, encore une fois, on ne savait pas. On attendait "la vague". On ignorait son ampleur, son timing, sa localisation...
Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Cette interdiction est-elle toujours justifiée ? Ne pourrait-on pas autoriser les gens à se déplacer seul dans la nature sans matériel ? Dans mon département de l'Isère (et dans d'autres), les urgences sont vides. Le personnel demeure a minima disponible car il faut bien maintenir ce service. Et puis, la randonnée demeure une activité peu accidentogène. Il y a fort à parier qu'autoriser les gens à sortir, et je pense notamment à ceux qui habitent en ville et sont totalement coincés, ne poserait pas de problème. En autorisant les sorties seul, sans matériel, et en restant dans son département, on aurait peut-être quelques entorses de la cheville et éventuellement quelques accidents de voiture mais aussi des coups de scie sauteuse en moins, des chutes d'échelle évitées, des postillons de la rue où tout le monde se croise esquivés. Bien malin celui qui pourrait dire dans quel sens la balance serait plus intéressante !
Soyons clairs, il ne s'agit pas d'aller s'entraîner. Excepté pour les athlètes, les vrais, encore qu'ils ont trouvé des solutions palliatives pour ne pas perdre le rythme, nous ne perdons rien physiquement à ne pas sortir pendant deux mois. J'en discutais avec une amie qui m'affirmait qu'elle allait perdre la caisse. Que nenni. C'est du pipeau. En quatre ou cinq sorties, le sportif lambda aura retrouvé son petit niveau habituel et puis c'est tout. Non, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit simplement de pouvoir continuer à vivre, à être dans son mode de vie, totalement compatible avec la distanciation sociale et ça, c'est bon à la fois pour le moral et pour le Covid ! Alors pourquoi ne pas l'autoriser sur des secteurs définis (certains département donc ? certaines régions ?) là où le virus n'a pas d'impact trop important ? Pour l'égalité ? Faites-moi rire ! Nous ne sommes pas égaux. Nous essayons de l'être mais cela est impossible. Vous mesurez un mètre soixante ? Vous êtes exclu du basket. Vous gagnez le SMIC ? Laissez tomber le voyage en Australie. Vous êtes en vacances à Chamonix ? Dommage c'est la semaine où il pleut. Il aurait mieux valu réserver à Puy-Saint-Vincent : c'est grand beau. Et même quand on pourrait faire l'égalité, on ne le fait pas toujours (cf salaires hommes/femmes pour un même boulot). Alors, qu'on ne me parle pas d'égalité. Aujourd'hui, il serait tout à fait possible d'autoriser les gens à aller se promener sur les sentiers de leurs département en Isère, en Lozère, dans le Cantal, dans les Hautes-Alpes... Sans que cela ne remette en cause la gestion de la crise sanitaire. Et avec l'impact positif qu'on connaît. Et pour le coup, c'est finalement avec le système actuel qu'on accroît encore les inégalités. Les habitants des coteaux sortent. Bien au-delà du kilomètre autorisé. Et sur les sentiers, personne ne viendra les contrôler. Pour les autres, c'est ceinture.
Et je n'aborde pas les incohérences du confinement. Je laisse le soin à Jean-Pierre Pernaut de le faire. Je n'aurais pas dit mieux.
Alors, on redonne un peu de liberté intelligente au peuple ou on attend le 11 mai pour voir, le dimanche suivant, cinq-cents voitures au Charmant Som et au col du Coq ?
PS : A ce jour, seuls la France, l'Italie et l'Espagne interdisent encore les sorties outdoor en Europe.
Interdiction d'aller en montagne : où en sont nos voisins européens ?
Décidée par Emmanuel Macron pour le 17 mars jusqu'au 11 mai, la stratégie du confinement a mis tous les Français face au même objectif : étaler l'épidémie de Covid-19 dans le temps, et soul...
https://www.montagnes-magazine.com/actus-interdiction-aller-montagne-ou-voisins-europeens