Des ours, des rochers et des hommes. Projets et déceptions
Publié le 10 Juin 2020
On se souviendra de cette année 2020. Elle a commencé par un anticyclone exceptionnel en janvier rendant la saison de ski atypique et peu enviable, que seul un séjour arctique dans des conditions exceptionnelles, prévu en amont, a permis d’en sortir. A peine rentré, un virus historique vient tout mettre à plat sans autre forme de réflexion. C'est la panique du côté des autorités, dépassées par un événement il est vrai inédit. Le pays à l’arrêt pendant deux mois...
Depuis un mois maintenant, les activités ont repris peu à peu. Les activités mais aussi les mauvaises actions qui, par ailleurs, n’avaient pas toutes cessé durant le confinement. On avait continué à tirer des loups, une action de première nécessité sûrement ! Des bénévoles (c’est le cas des louvetiers) étaient en effet autorisés à sortir quand on refusait dans le même temps d’en faire de même à un photographe professionnel. Aujourd’hui, ce sont les ours qui trinquent. Il fallait remonter en 2004 pour trouver un ours dégommé au fusil en France avec Cannelle et on pouvait penser que les mentalités avaient évolué. Malheureusement, le 9 juin 2020, un nouveau méfait vient d’être commis par un anti-ours/loup/prédateur(?). L’état annonce qu’il va porter plainte mais je suis très pessimiste sur les suites. On est parfaitement capable de trouver le coupable. Il doit détenir une arme. Cela réduit le champ des présumés coupables. Il faut réfléchir un tel acte puis le réussir. Très vraisemblablement on ne peut être seul dans un tel projet. Probablement l’histoire d’un réseau (déjà un groupuscule cagoulé avait annoncé la couleur en 2017 - on croît rêver en voyant cette vidéo). Il y a forcément des fuites. Et nous disposons de moyens pour une telle enquête. Car c’est un acte fort. Qui s’attaque au patrimoine de tout un pays. Si on cherche plus loin, si l'ours génère quelques inquiétudes et problèmes pour quelques personnes qu'on ne peut pas laisser sans aide (et c'est ce que nous essayons de faire), il apporte énormément de bien à tous les autres. Combien de gens travaillent grâce à l'ours ? Des accompagnateurs, des offices de tourisme, des hébergeurs... qui accueillent les touristes venus non pas pour observer l'ours mais pour une immersion dans son domaine. Sans parler du rêve et de la sauvegarde de la biodiversité qui profite à tous ! Il suffit d'un acte pour anéantir des efforts colossaux et un travail sans relâche (de restauration des ursidés pyrénéens). Pour m’être fait volé une caméra automatique il y a quelques jours, toutes proportions gardées, je prends la mesure de la déception et de l’anéantissement d’un travail, d’un projet. Quelle satisfaction peut-on retenir dans sa tête après de tels actes ? Et il y a fort à parier que l’affaire en restera là. La pression est trop forte. En ne retrouvant pas le coupable, on tolère quelque part un acte pourtant officiellement interdit.
Fort heureusement, l’homme n’interfère pas que dans ce sens avec la nature. Il sait aussi la parcourir les yeux ouverts. Sa présence laisse forcément des traces ; comme n’importe quel animal sauvage. Mais il y a trace et trace. Entre le piétinement d’une prairie et l’abattage d’un ours, mon choix est vite fait. Nous ne pouvons pas vivre comme des ours justement. Rester cloîtrés dans nos maisons et garder la nature comme un sanctuaire. Nous faisons partie d’un tout et je militerai toujours pour cette idée d'homme faisant partie d'un ensemble. Une des belles « introductions » de l’homme dans la nature s’appelle l’escalade. C'est à mes yeux un des plus beaux sports bien que mon plafonnement au 7b dans les meilleurs moments de ma forme fait de moi un grimpeur modeste. L'escalade apporte l'engagement physique que l'on retrouve dans le sport en général, l'engagement mental (quand on grimpe en tête, le seul fonctionnement "valable" à mes yeux pour "valider" ce sport) et l'engagement technique soit trois valeurs essentielles quand d'autres sports y compris de pleine nature n'engagent que la première. Il n'y a qu'à voir comme un grimpeur comme Patrick Edlinger avait réussi à le faire comprendre à des milliers de personnes méconnaissant complètement cette activité.
L'escalade reste un sport assez peu dangereux contrairement à ce que les images peuvent laisser croire aux néophytes, si on reste concentré dans les manipulations de corde (rappels, moulinettes, assurage). Les accidents restent toutefois possibles, comme en témoigne celui de Vingrau et avec les conséquences qui en ont découlé. A la suite de ce jugement, la FFME vient de se désengager des sites extérieurs au printemps 2020. On s'attendait à des conséquences en cascade et les premières interdictions commencent à avoir lieu. Après celles du Sancy, elles concernent aujourd'hui le massif des Calanques. L'ONF n'autorise plus la pratique sur le territoire qu'il gère, i.e. de la Candelle à la rive droite d'En-Vau puis tout le secteur du cap Morgiou, autrement dit, l'essence même du massif et une grosse partie ! On imagine la tête que ferait Rébuffat s'il pouvait encore voir tout cela ! On ose espérer une mesure transitoire en attendant de faire changer les choses, la plus grosse aberration étant que légalement, le propriétaire d'un terrain peut être tenu responsable d'un accident non causé par un tiers. En résumé, si vous grimpez en solo ou faites une erreur de manip', c'est de votre faute mais si un bloc de rocher se détache au moment où vous êtes en train de grimper dessus (ou dessous !), on pourrait mettre en cause le propriétaire ! Et c'est bien là-dessus qu'il faut essayer de faire bouger les choses ! Il "suffit" de modifier la loi.
Les grimpeurs ne sont pas des sauvages. La querelle concernant la protection de la nature est une ineptie. Tous doivent (et peuvent) travailler ensemble. Lorsque je publie une information concernant le saccage de notre nature (loup, ours, aménagement, exploitation...) nombreux sont les grimpeurs qui réagissent. Ils y sont sensibles. Il faut essayer d'avancer tous ensemble. S'exciter sur les réseaux sociaux par fora interposés est une perte de temps totalement inutile. En revanche, partager l'information est essentiel. Cela fait partie de ce que je sais un peu faire et que je fais avec ma sensibilité. D'autres s'attèlent à oeuvrer en intervenant localement. Ne montons pas les uns contre les autres mais au contraire unissons nos forces. Ours, rochers... même combat. L'un et l'autre sont à protéger pour le bonheur des hommes. Quant à nous tous, randonneurs, naturalistes, grimpeurs, vététistes lambda, il faut aussi que l'on soit le plus possible en accord avec le milieu. Ne pas allumer de feu quand c'est interdit ou fortement recommandé (i.e. presque partout donc) ; s'interdire de grimper une ligne lorsqu'une espèce sensible (faucon ou autre) y est découverte en pleine reproduction (et partager l'information), bivouaquer et non camper... Nos bonnes attitudes attestent aussi du respect que l'on a pour notre patrimoine naturel et nous donne davantage de crédibilité.
Depuis quelques jours, je me suis promené seul dans la discrétion ; il faut dire que la météorologie n'est pas très favorable à la foule et aux idées. Une sortie repérage en Belledonne dans l'optique d'équiper un parcours rocheux initiatique intéressant. L'actualité sur l'escalade ne me fera pas renoncer. Une sortie relevé de caméras avec la fameuse mauvaise surprise du piège volé. Rapidement évacuée par la rencontre de nombreux animaux lors de cette sortie, les animaux adorant ces conditions fraiches, humides et avec peu de visibilité : cerfs, chevreuils, sangliers... de partout. Je ne vais pas me décourager. Je continue à réfléchir à de nouveaux projets. Que les déceptions n'altèrent pas notre motivation et mobilisons-nous contre tout ce qui paraît inconcevable !
Exploration rocheuse en Belledonne. Quel dommage, au risque de me répéter, que le fabricant (Adidas) ait arrêté la production de la Scope !
Des sangliers en veux-tu en voilà. Avec ces deux marcassins observés de très près, sur mes gardes, des fois que la mère soit dans les parages...