Immersion totale
Publié le 26 Juin 2021
Envie de passer vingt-quatre heures dans cette wilderness que sont les hauts plateaux du Vercors. Je pars vendredi en seconde partie d'après-midi depuis Chichiliane pour monter jusqu'au pas de l'Aiguille. Je croise moins de dix personnes ; nous ne sommes que vendredi. Car le week-end, c'est la foule ici. Je remplis mes deux gourdes (montées vides) à la source de Chaumailloux et poursuis vers le sud sur le sentier. Je croise deux petits groupes de randonneurs... ce seront les derniers.
Je gagne ainsi le sommet de la Montagnette, que je n'avais encore jamais gravi. Le bivouac est installé. Je serai aux premières loges pour le coucher du soleil, puis le lever. Malheureusement, les nuages reviennent vers 20h30 et, exceptées quelques brèves trouées, ne repartiront pas. Je m'endors dans le brouillard.
La nuit fut excellente. Réveil grâce à l'alarme mise à 5h histoire de faire les premières images. Le soleil se lève à 6h01 pile derrière le rocher du Lac d'après l'application Peak Finder. Je reste jusqu'à 6h30 histoire de faire des images puis entame une longue route d'immersion hors sentier. Je ne verrai personne...
Je poursuis un peu vers le sud puis oblique à droite en suivant à peu près la limite du département de l'Isère qui passe à la croix du Lautaret. Je passe proche de la fontaine Pourrie puis remonte vers le nord entre la plaine de la longue Fissole et la bergerie de jas Neuf. Plus au nord, je remonte la pénible Peyre Rouge pour sortir sur la crête des rochers du Parquet. Ce sera la pause de la journée à admirer le bal des vautours. Retour par la crête jusqu'au pas de l'Aiguille.
Pas grand chose à dire au final. Une immersion totale sur la plus grande réserve naturelle de France. Je me suis tout simplement régalé. Ah si ; je termine par un petit bémol. Une réserve naturelle est le plus haut statut de protection en France dans lequel l'homme a autorisation de pénétrer. Pourtant, d'ici quelques jours, la bergerie du jardin du Roi (et tant d'autres sur ces plateaux) va accueillir son troupeau de moutons. Et quel troupeau ! 3000 têtes !! Autant dire qu'à la fin de l'été, il n'y a plus une fleur et le sol est complètement souillé par les crottes. Au-delà de ce problème qui peut être résolu d'une année à l'autre, je me pose la question d'une autre inadéquation. Ces troupeaux ne sont pas locaux. Ils arrivent en camion du sud de la France et son là pour préparer de la viande. Il ne s'agit pas de faire du lait mais bien de la nourriture animale directe dont on sait aujourd'hui qu'il nous faut la modérer pour limiter notre impact. Entre la valorisation de cette pratique au coeur d'une réserve naturelle dans laquelle un photographe professionnel doit théoriquement faire une demande pour utiliser une photo (quelle qu'elle soit) à des fins commerciaux, et le piétinement massif de la végétation dans cette zone annoncée protégée, ces immenses troupeaux ne devraient-ils pas être bannis ici ?