L'alpinisme comme je l'aime
Publié le 11 Juillet 2021
Sans en faire une liste exhaustive, j'ai fait pas mal d'alpinisme durant les années 1995-2005. Quelques grandes courses de montagne, mais aussi des couloirs de neige en juin/juillet (c'était encore bon à "l'époque") et toutes les voies "normales" parfois loin d'être débonnaires d'ailleurs. Le dénominateur commun à toutes ces courses étaient le gros sac de rigueur (crampons acier, piolet lourd, cordes 2x50...) et grosses chaussures. Et toujours la corvée des marches d'approche et du retour dans ces conditions. Aujourd'hui, trois paramètres diminuent cette contrainte :
- L'évolution du matériel vers le léger (mais bon, si on veut des crampons efficaces, il faudra quand même de l'acier)
- Les chaussures actuelles plus humaines en terme de marche (mais là encore, il faut un minimum de rigidité)
- L'expérience du bonhomme qui optimise le matériel à acheter... et à emporter
Cependant, malgré ce progrès, je n'ai plus envie de ça. Je ne dis pas que c'est strictement terminé mais ce que j'affectionne, c'est avant tout l'alpinisme en mode léger. Evidemment, cela me ferme la porte à un certain nombre de courses mais je n'en ressens aucun manque. Et si c'était le cas, je m'octroierais une entorse à la règle. Cet alpinisme en mode léger est parfois mal vu dans le milieu, notamment par les guides et les secouristes. Les raisons en sont évidentes :
- Observation de gens au taquet par matériel inadapté
- Secours pour les mêmes raisons
- Dans une moindre mesure, pointe de jalousie de voir des amateurs avancer plus vite que les pros
Car il est bien évident qu'avoir un sac léger et marcher avec des chaussures basses semi-rigides est un atout. Je choisis mes courses en fonction. Le cas le plus limite reste sans doute celle-ci : j'étais à quatre pattes sur trois (certes courtes) sections en neige quand le Thibal courait. Tout est affaire de compromis. Accepte-t-on de se mettre taquet sur trois fois vingt mètres linéaires cumulés pour avoir le reste de ces deux jours en grand confort ? Chacun fera son choix ; j'estime qu'avec une bonne lame de piolet, j'ai juste perdu quelques minutes sur ces passages, tout en assurant et en ancrant la lame comme un débutant. Il n'en demeure pas moins qu'on n'est pas à l'abri de surprises.
Bref ; aujourd'hui, ce sera direction la pointe d'Amont par le pilier nord qui est une grande course de l'Oisans en parait-il très bon granite. L'idée est donc de partir en chaussures d'approche et de faire toute la course ainsi (5b max, à protéger). Pour se passer des crabes, nous décidons d'attaquer l'arête au plus bas (2500 m) soit 850 m de course. Quasi l'équivalent de l'arête du Promontoire à la Meije mais en plus difficile. Bon au final, moyennant une facétie sur des dalles polies par le glacier (et improtégeables), nous grugerons le tout premier pilier d'une centaine de mètres mais sans doute sans gagner de temps. Après un départ à 5h30 de Saint-Christophe, nous attaquons l'arête à 8h30 à l'altitude exacte de 2630 m. Nous voyons au loin des cordées sur le haut du premier ressaut et compte tenu de leur avance, nous sommes rassurés sur le fait qu'elles auront sorti le ressaut "difficile" avant nous.
Toute la première partie déroule et s'avale vite à corde tendue. Le plus difficile reste de gérer son souffle à vouloir grimper comme un bourrin, parfois tête un peu trop baissée compliquant presque le cheminement. Le rocher est moyen dans cette partie basse mais on arrive assez vite au pied du premier vrai ressaut où nous commençons à nous dire que plus haut, ça devrait bouchonner. Finalement, il n'en sera rien. Nous dépassons deux cordées par une variante à corde tendue et au niveau du premier passage de 5, les deux autres nous laissent passer le temps de mettre leurs chaussons. Bravo à ce groupe de filles fort sympathique du CAF Marseille souhaitant apprendre à être autonomes en montagne de se lancer dans cette course qui est tout sauf une voie d'initiation.
Le troisième ressaut est également superbe. Ca court mais c'est beau. Avec une protection tous les dix mètres, nous sommes vite sur l'arête où nous sommes surpris par la beauté du caillou rouge final menant à l'aiguille centrale du Soreiller. Il est 13h. Nous faisons une pause d'une bonne demi-heure avant d'entamer la descente. Un rappel (25 m, 30 m serait mieux) nous mène à une partie plus facile où nous pouvons ranger la corde pour désescalader prudemment l'arête sud jusqu'à ce qu'elle touche la neige. Les névés nous font gagner du temps et on se paye le luxe de la collation au refuge du Soreiller. Il est 15h. C'est la foire dans la Dibona. A juste titre quand on voit ce caillou de fou. Bon ce n'est pas tout mais on a encore l'aléa du retour à St-Christophe. Descente en courant. Ce serait mieux en parapente mais bon... Je n'ai pas (encore) les compétences. Il est guère plus de 16h. A peine débarqués sur le bitume, une fille s'arrête. Non seulement, elle nous ramène mais elle nous propose gentiment de nous monter au parking de la Selle.
Autant dire que dans ces conditions, avec une journée aussi parfaite, j'adore l'alpinisme. Une par an avec Cat dans ces conditions. Rendez-vous en 2022 !
A noter que, sans remettre en question les cotations, j'étais bien plus tranquille dans les 5b, certes raides mais prisus et en excellent rocher, que dans certains passages de soit-disant 3 en rocher lisse et avec des protections lointaines. Juste pour dire qu'il ne faut pas se laisser impressionner par les cotations. Les passages annoncés les plus difficiles passent facilement en grosses (adhérence maximum et bacs dans les mains) et si on le souhaite, on peut barder de protections. Avec seulement 25 m de longueur disponible (nous avions pris un brin de 50 en 8 donc à double), j'ai dû improviser un relais un peu moyen juste avant le deuxième passage de 5 qui, vu du bas, est un peu impressionnant. En réalité, il n'est vraiment pas difficile et comme le début de la longueur n'est pas méchant, il est conseiller de poursuivre à corde tendue jusqu'au relais en mettant quelques protections supplémentaires au cas où. A voir l'option de prendre un brin de 30-33 m à simple (et un auto-décrocheur de rappel pour le seul rappel de la course).
Le contenu du (et le) sac à dos. L'un porte la corde, l'autre la quincaillerie. Coupe-vent et doudoune en fond de sac au cas où (elle y restera). Ajouter de quoi grignoter et à boire : 1,5 litre avec remplissage sur le ruisseau juste avant l'attaque, parce qu'on ne va pas porter de l'eau alors qu'il y en a plein le vallon de la Selle. Et les Terrex Solo pour marcher ET grimper. Et le luxe : mini short pour la descente du Soreiller.