Observer le cerf
Publié le 2 Octobre 2021
Nous sommes en pleine période de brame et du même coup, sommes abreuvés d'images notamment sur les réseaux sociaux. Les images trompent difficilement, d'autant qu'elles sont souvent accompagnées d'une légende : on fait la différence entre l'image d'un animal non dérangé par un photographe scrupuleux (et un peu chanceux), une image des Abruzzes où les animaux, habitués à ne plus êtres chassés depuis longtemps, tolèrent la proximité humaine mais aussi une image de chez nous, faite à la va-vite, d'un cerf qui, quelques secondes après la pause, partira au galop.
L'engouement pour le brame est sans précédent. Les raisons en sont multiples : envie de faire "comme sur les images qu'on voit sur les réseaux", engouement général de "communion" avec la nature généré par la crise sanitaire, envie de faire de la photo rendue beaucoup plus abordable avec le matériel d'aujourd'hui, mai aussi multiplication des populations de cerfs ces dernières années. Ainsi, entendre et surtout, bien entendre le brame est chose aisée, qui plus est sans déranger. Beaucoup s'en contentent. Soit parce que cela suffit à leur bonheur, soit par respect de la nature (ne pas aller plus loin pour ne pas déranger), parfois par crainte de se faire charger.
Mais nombre de personnes ont envie de pousser jusqu'à l'observation. Entendre c'est bien, mais voir, c'est encore mieux. J'ai déjà donné un certain nombre de conseils sur ces pages. En voici un résumé, assorti de quelques retours d'expériences personnelles en 10 points.
1- Connaissance de la biologie de l'animal. Le comportement durant le brame, la présence des biches à proximité, silencieuses et qui sonneront l'alerte etc.
2- Connaissance du terrain sur lequel on va. Et par coeur !! Il fait donc l'arpenter avant la saison de brame. Le mieux, c'est même d'y aller en fin de saison (à partir de fin octobre), quand le dérangement a beaucoup moins d'importance pour la reproduction, afin de repérer les traces de passages et de marquages pour la saison suivante.
3- Pratiquer la technique de l'affût. Certes, on est bien obligé de se rendre sur place mais il faut avoir repéré un ou plusieurs points de poste et venir s'y placer pour ne plus bouger, même si ça brame pas loin et qu'on ne voit rien. Changer de place est souvent une erreur car en restant à un endroit judicieusement choisi, ça finit toujours par passer.
4- Arrivée de nuit si c'est pour un affût du matin. Et ce sera bien compliqué. Arriver à la mi-journée pour un affût du soir et le quitter sur la pointe des pieds à la nuit. Des entorses sont possibles avec moult précautions, une connaissance parfaite des lieux et un peu de chance.
5- Eviter de se rendre plusieurs fois de suite sur le même secteur afin de ne pas mettre trop de pression. Même avec des précautions, on sera repéré par certains animaux. En outre, on n'est probablement pas les seuls à déranger. Et puis, il y a aussi la chasse qui met déjà une certaine pression, notamment avec les chiens qui tournent parfois seuls y compris des jours de non-chasse.
6- Etudier le vent. Idéalement, se poster en vent de face. Un autre critère semble être le fait que les animaux aiment marcher face au vent. Ainsi par exemple, quand il y a vent de nord, ils sont souvent plus nombreux dans les secteurs situés au nord d'une zone peuplée. Idéalement dans ce cas, choisir un secteur au nord mais se poster... au sud de celui-ci !
7- En affût, un petit filet de camouflage tendu à l'entrée d'un bosquet pourra faire l'affaire. Le plus gros risque, c'est le mouvement et le contraste. Donc s'habiller dans des tons grisâtres et ne pas bouger. Pour cela, utiliser obligatoirement un trépied avec l'appareil photo.
8- Ne pas courir après les animaux l'appareil photo à la main. Ca ne sert à rien, à part les faire fuir. j'insiste car c'est le réflexe de base mais c'est vraiment le pire comportement. A l'extrême limite, on peut discrètement changer de point d'affût en connaissant le coin par coeur, si les animaux s'avèrent absent et qu'on les entend sur un endroit proche connu. Mais sur la pointe des pieds, sans chercher à trop se rapprocher. Il faut à tout prix les laisser venir.
9- Eviter les affûts à plusieurs. Ca multiplie vraiment beaucoup le risque de se faire repérer. Avec les enfants, je reste à une distance plus importante ou alors c'est un coup de chance. Exceptionnellement, je vais me poster au "bon" endroit mais en étant hyper bien caché.
10- Garder à l'esprit que le brame, c'est tout un contexte (d'automne). Même si on ne voit rien devant l'affût, on finira par être récompensé par un chevreuil, un sanglier, une chevêchette, un casse-noix, un bec-croisé... Il y a aussi toutes les ambiances colorées, que ce soit la végétation ou le ciel du soir. Il est rare de rentrer déçu.