Lettre à Mme Véronique Pueyo, journaliste
Lettre à la rédaction de France Bleu Isère
Lettre à M. Thomas Guillet, maire de Corrençon-en-Vercors
Lettre à M. Gilles Ruel, président de la société de chasse de Corrençon-en-Vercors
Lettre à M. Lionel Beffre, préfet de l'Isère
Bonjour
Je réagis à un article publié par France Bleu Isère intitulé "Corrençon-en-Vercors, un loup achève sa proie dans le centre du village" et paru ce samedi 4 mai 2019. Ce billet entretient la psychose du loup de manière inutile et il était impératif de rétablir un minimum d'objectivité.
Je passe rapidement sur le titre et le chapeau, peut-être destinés à faire cauchemarder les gens pas (ou peu, ou prou, ou mal) informés sur le loup, en particulier les habitants du Vercors. Quelle belle idée ! Je m'attarderai un peu plus sur le corps du billet en question :
- Vous tirez des conclusions (sur le loup) avant même le moindre résultat d'une étude ADN, étude ADN qui, même si elle prouvait que ce soit un loup, ne confirmera jamais le lieu de la scène. Il y a en effet suffisamment de personnes mal intentionnées "anti-loup" dans nos campagnes pour qu'il soit même possible que ce cadavre ait été rapporté ici par l'un d'entre eux en pleine nuit.
- Sans les mêmes conclusions, vous autorisez des tirs d'effarouchement. Et quand bien même : si les louvetiers venaient à abattre un loup, on n'aurait aucune preuve que ce soit le "coupable". Je m'intéresse à cet animal à titre personnel et je peux vous affirmer que l'espace de quelques heures, ils peuvent être à des kilomètres de là et ne pas y revenir avant plusieurs semaines. Cette mesure fait un peu l'enfant qui veut se venger de quelque chose. Puéril et sans effet. D'autant qu'il n'est même pas prouvé que la régulation des loups ait un effet "positif" pour ceux qui se disent gênés par l'animal. On le voit ; le loup est maintenant présent partout sur le territoire français, peut-être en partie à cause de cette dispersion causée par les tirs et l'éclatement des meutes.
- On peut lire que "le loup n'a plus peur de venir jusque dans les villages". Le loup n'a pas peur tant qu'il ne croise pas son ennemi de toujours. Il se "promène" la nuit : pour être heureux, vivons caché vous dira-t-il. Parfois, il se fait surprendre par un randonneur, un citadin qui passe par là. Après quelques secondes d'hésitation et d'identification, il fuit. Le loup craint l'homme et "gère tranquillement" cette crainte.
- "Le cerf a cru qu'il serait protégé du loup en entrant dans le village". Là, j'ai failli m'étouffer. Le cerf n'a rien cru du tout. On parle quand même d'un cerf !! Encore une fois, s'il n'a pas été déposé ici "artificiellement", ce cerf s'est retrouvé là suite à la panique lors de l'attaque (que ce soit un loup, un chien...) et lors de la poursuite. Point. A noter qu'il y a eu récemment le même type de conclusions sur un loup aperçu se nourrissant du cadavre d'une biche aux portes d'un autre village isérois. On a crié à l'entrée des loups dans les villages. En réalité, le cervidé avait été tué par percussion avec une voiture et l'opportuniste et intelligent canidé en avait profité. Simplement.
- Vous craignez les attaques de loup sur l'homme. Pour parler de ce que je connais à savoir, depuis la date du retour du loup en France en 1992 soit bientôt trente ans, aucune humain n'a été tué par un loup. Et même aucune blessure véritable n'a pu être trouvée. Et chaque année, "on" continue à perdre de la salive en entretenant cette psychose de l'enfant qui finira par se faire manger. L'être humain est suffisamment intelligent et prendra les mesures adéquates le jour où cela arrivera, si cela arrive. En attendant, arrêtons d'entretenir ces inepties et, au contraire, contentons-nous des faits. Et là, il y a du travail. Zero attaque de loups mais combien de chiens ? Dans le même laps de temps, sur une trentaine d'années, les accidents de chasse causent entre 15 et 20 morts par an soit peut-être 500 depuis le retour du loup et les autres "usagers" de la nature attendent toujours des mesures pour réduire les risques (diminution des zones géographiques autorisées à la chasse, réduction de la durée avec un jour de non-chasse le week-end, les vacances etc).
Réapparu en 1992 en France, le loup est effectivement un prédateur et le fait qu'il se nourrisse d'animaux n'est pas un scoop. Dans l'état actuel de notre biodiversité dont je ne vais pas faire la liste ici, il est impératif que tout être vivant soit protégé et que, lors de conflits avec l'homme (dans le cas du loup, je ne vois que celui avec les éleveurs), nous trouvions des réponses (et il y en a toujours) qui mettent la protection de la biodiversité en priorité. La presse peut aussi contribuer à tout cela en cessant ces billets "à grands titres" et se contentant de relater les faits.
Cordialement
Lionel Tassan, enseignant, alpiniste, naturaliste, auteur-photographe.