L'ambiance d'un affût aux tétras
Publié le 8 Mai 2013
Le tétras-lyre ou petit coq de bruyère se rencontre facilement en montagne, surtout quand on l'arpente fréquemment comme moi. L'observation est souvent furtive : on "lève" l'oiseau qui était branché dans un sapin ou camouflé dans un bosquet de myrtilles. En hiver, ce dérangement est d'ailleurs très préjudiciable à sa survie.
La période la plus intéressante est celle des pariades qui débute en mars et se termine en juin avec un pic de fin avril à fin mai. Les coqs se retrouvent sur des "places" appelées arênes où ils chantent et dansent. Ce spectacle commence à la fin de la nuit et peut se prolonger dans la matinée quand l'activité est intense. J'avais fait des affûts quand j'étais ado mais rien de transcendant ; il n'y avait souvent qu'un seul coq et je n'étais pas bien placé. L'affût est le seul moyen de pouvoir observer et surtout photographier ce moment car le tétras est très farouche : le moindre intrus fait envoler toute une arêne et, en général, ils ne reviennent pas de la matinée. La meilleure façon de foirer la reproduction de cet oiseau menacé est de le déranger durant les pariades !
En 2007-2008, étant équipé en digiscopie, j'avais pu faire quelques images en restant à bonne distance : approche nocturne et planque dans un bosquet sans véritable affût. Mais outre le résultat discutable (qualité d'image inférieure à celle d'un reflex, problèmes en basse lumière), on n'est pas dans l'ambiance des matins de printemps avc les coqs. On est trop loin. Cette année, c'était décidé, je voulais essayer le "vrai" affût. Malheureusement, une météo plus que mauvaise m'a fait repousser les sorties et je n'avais pu faire aucun repérage.
De retour de cette magnifique voie d'escalade, je décide de tenter le coup malgré une météo mitigée, une grande flemme et sans repérage. A force d'attendre, il sera trop tard. L'idée est de monter le soir sur une place repérée depuis plusieurs années et de chercher les indices de présence de façon à monter l'affût et de dormir sur place.
La montée est rude : je porte 25 kg sur le dos ; l'occasion de tester le nouveau sac à dos acheté pour les bivouacs avec les enfants : le Lowe Alpine Makalu 65-85. Le premier test est concluant question portage et ergonomie mais attention : son grand volume fait qu'on a facilement tendance à le remplir. Il faudra rester vigilant et bien chosir entre utile et indispensable. Une fois arrivé sur place, je fais des aller-retours dans l'alpage encore entièrement enneigé et trouve enfin ce que je cherchais. J'avais, en montant, vu plusieurs crottes de ntétras mais il s'agissait d'endroits où l'animal s'est posé, pour se reposer ou manger. Ici, il y a des traces de pas, de petits pas et des crottes éparpillées un peu partout. Pile à l'endroit escompté. C'est ici que les coqs viennent danser, shuinter et roucouler. Il est déjà tard et j'ai du boulot. Le terrain est pentu et la neige sera mon alliée. Je pelle un bon moment pour creuser un trou et surtout faire un terrain plat sur lequel je pourrai poser ma tente affût. Je place le trépied et le petit tabouret (indispensable) à trois pattes. L'affût est prêt.
Pour cette première et aussi parce que les animaux n'ont pas l'habitude de cette forme nouvelle, je me mets à distance raisonnable de la place principale. Si les coqs y viennent, il y aura déjà de quoi faire quelques clichés sympas. Je me dirige ensuite un peu plus loin, près d'un épicéa où le sol semble plat pour installer l'autre tente, celle dans laquelle je vais dormir.
Il s'agit d'une Jack Wolfskin une place. On n'y est pas très au large mais elle ne pèse que 1300 g dans le sac.
A peine ai-je fini de la monter qu'un coq passe en vol. Peut-être avait-il l'intention de venir faire un tour sur la place (parfois, le soir, ils viennent aussi chanter mais c'est sans commune mesure avec ce qui se passe le matin). Il se pose à la cime d'un arbre pas très loin. J'ai le temps de faire une image puis il s'envole à nouveau, m'ayant évidemment repéré dès son premier passage. C'est de bonne augure pour la suite. J'ai à peine le temps de manger que la nuit tombe. Il est temps d'aller se coucher.