Le loup reste un sujet passionnant. Le récent débat organisé par la ville de Grenoble l'a encore montré. Passionnant de par l'intérêt suscité. Passionnant au sens où il déchaîne les passions. Cette soirée m'a permis de mieux entendre et comprendre la détresse de certains éleveurs. Le stress permanent subit lorsqu'on s'endort en se demandant ce qu'on trouvera au réveil. L'organisation demandée pour se protéger. Cela m'a permis aussi de comprendre pourquoi le grand public avait aussi du mal à entendre ces arguments. Peut-être en partie à cause de la forme de la communication de éleveurs. Lors de cette soirée, ils ont été les seuls à ne pas respecter les règles du débat, à s'enflammer. Ils communiquent aussi sur de mauvais points comme le risque, qu'un jour, un loup s'attaque à un humain. A condamner le loup y compris pour des faits qu'il n'a pas commis, on perd en crédibilité. Le spécialiste Jean-Marc Landry a, à ce sujet, bien répondu en expliquant que le dernier cas d'attaque officielle en Europe avait eu lieu en 1976 en Espagne : une morsure au bras par un loup suite à une tentative d'entrée dans la tanière !! En ajoutant que son fils, qui se promène toute l'été dans la forêt derrière leur maison du Jura suisse, a interdiction d'y aller à partir de septembre, pour un danger réel celui-là, celui des fusils. Et effectivement, les éleveurs ne militent pas pour autant contre la chasse. Rester factuel est à mon sens la meilleure façon de se faire entendre. Et au passage, pour m'être rendu par la suite sur les pages de quelques fers de lance de la lutte contre le loup, j'ai pu me rendre compte de la mauvaise qualité de la communication : phrases agressives, faute d'orthographe tous les deux mots... On n'est pas obligé d'être un as du Bescherelle pour élever des brebis comme pour beaucoup d'autres métier, par contre, il paraît important de savoir qu'on est incapable d'écrire correctement et le faire faire par un intermédiaire compétent. La meute des éleveurs gagnerait sans aucun doute à revoir la forme de son dialogue pour être mieux écoutée car malheureusement, beaucoup de gens jugent l'autre sur son "allure".
Du côté de la meute des "non opposants au loup", la soirée a été plus calme. A titre personnel, je m'étais gardé d'intervenir, venu simplement pour prendre de l'information. J'ai pu noter les questions posées sur le retour naturel ou non du loup et sur les effectifs. Pour ce qui est du retour, même si officiellement il s'agit d'un retour naturel (et pour moi ça l'est), on ne peut exclure des réintroductions "sauvages" ça et là et bien malin celui qui pourra affirmer ou infirmer quoi que ce soit. Cependant, je pense que c'est un faux débat. Le loup a toujours existé en Europe et même en France excepté quelques années dans toute l'histoire. Comme le vautour qui a pourtant été réintroduit. De même que le cerf, le mouflon, le bouquetin dont beaucoup de nos populations sont des réintroductions suite aux massacres humains. Réintroductions que personne ne conteste. Il n'y a pas lieu de se battre pour savoir si le loup a été réintroduit. Même si cela avait été le cas, cela ne donnerait pas plus de droit de le détruire.
Les meutes sont en augmentation en France et cette année, l'état prévoit de tuer une centaine de loups. Ca c'est la version officielle car on estime en effet que pour un loup abattu officiellement, pas loin d'un loup supplémentaire est tué. Les collisions avec les véhicules, par exemple, ne sont pas prises en compte. Mais il y a surtout le braconnage complètement sous-évalué. Lors de ma rencontre avec le loup l'automne dernier, si j'avais été en affût "chasse", il aurait suffit d'une balle. L'animal aurait roulé dans un bosquet de vernes et personne n'en n'aurait jamais rien su. Cette situation doit arriver régulièrement. Je sais aussi de source fiable que lors des actions de tirs officiels, tous les loups ne sont pas déclarés. Il faut donc s'attendre à une grande destructuration des meutes et probablement des effets non souhaités avec dispersion d'individus. Plus la recherche avance plus il semble que ces tirs létaux soient en effet néfastes également pour les éleveurs car on constate que ce sont souvent les loups "satellites" qui s'attaquent aux troupeaux. L'idéal serait "d'apprendre" au loup à ne pas toucher aux animaux domestiques. C'est un animal intelligent qui se souvient des "leçons" qu'on lui donne. Abattre un loup simplement parce qu'il est aux abords des troupeaux est complètement grotesque. D'après les études, près de 50% des loups qui sont repérés à proximité des élevages ne sont que de passage et n'ont pas l'intention de s'y attaquer. Un de mes amis a une vidéo de deux loups qui passent devant sa caméra dix secondes derrière un cerf, tranquillement, sans s'en soucier. Le loup chasse pour se nourrir. Il peut rester des jours sans manger. Après avoir consommé, il n'a pas besoin de chasser. Le loup n'essaie de tuer qu'une infime partie des proies qu'il croise.
Il ressort également que seule une petite partie des troupeaux subit de grosses attaques. Ce sont souvent les mêmes. Parfois ce sont des troupeaux mal ou insuffisamment protégés. Parfois ce sont des troupeaux qui fréquentent des milieux difficiles à sécuriser. Parfois ce sont des troupeaux situés dans des secteurs où les loups n'ont pas d'autres proies et se sont spécialisés dans le bétail. Les meutes que j'essaie de suivre sont plutôt spécialisées dans la faune de montagne. Elles permettent la régulation des cervidés notamment. Elles ne sont que plus difficiles à suivre. Malgré les heures passées là-haut, à l'heure des petits louveteaux dans les tanières, mon approche est au point mort. Ce qui pouvait devenir une certitude est devenu une absence. L'intelligence de l'animal me sidère. Je crois avoir encore énormément à apprendre des loups. Il y a de grandes chances que je ne vois pas la queue d'un louveteau cette année. Il se pourrait même qu'ils soient installés dans un autre vallée. Et puis ? Mon histoire avec cet animal continue et ce qui pourrait être considéré comme un échec n'est rien d'autre qu'un apprentissage en construction. Ne pas parvenir au but, reprendre son raisonnement, recommencer. Il n'y a pas d'échec, il n'y a qu'un chemin. Et cette difficulté me laisse penser qu'on peut bien continuer à tirer sur les loups, ce n'est pas demain la veille qu'il disparaîtra. Et peut-être même que cela augmentera les problèmes. L'être humain ferait mieux d'essayer de comprendre la nature et d'essayer de vivre avec elle plutôt que de la détruire. A chaque volonté il y a un chemin.