En 1942, deux personnages issus du grand monde de l'alpinisme deviennent des acteurs de premier ordre dans la résistance à l'occupation nazie en région grenobloise. Pierre Dalloz, depuis son repère de Sassenage et Alain le Ray en tant que chez des FFI (Forces Françaises de l'Intérieur), organisent des actions considérées comme terroristes par l'ennemi et causent de nombreuses pertes, notamment lors d'embuscades dans le Vercors.
De tout temps, l'homme a résisté pour deux grandes raisons. Repousser la mort qui demeure inévitable et donne tout son sens à la vie et, en parallèle, faire que la vie qui du coup n'est que provisoire, soit la moins difficile ou la plus agréable possible. Chacun résiste à son échelle, à ses problèmes. Parfois, la solution réside non pas dans la recherche d'un retour en arrière mais dans une adaptation.
La nature s'organise elle-aussi ; elle tente de s'adapter au rapide changement climatique. Il a déjà fait bien plus chaud sur terre mais, sans cataclysme brutal, pas aussi rapidement qu'aujourd'hui. La planète s'en remettra. Mais pour nous, cela va passer par des adaptations plus ou moins difficiles.
Depuis les années 80, le réchauffement est perceptible, notamment avec le recul constant des glaciers. Les années "répit" sont rares : en trente ans, les années favorables à la temporisation se comptent sur à peine plus que les doigts de la main : 1994, 1995, 1997, 2001, puis 2013, 2014 et 2021 pour le massif des Ecrins par exemple. Sans entrer dans des détails (je ne suis pas spécialiste de la question) précis, il faut s'intéresser à ce qui se passe en altitude, disons, au-dessus de 2500 mètres.
Les glaciers offrent une réserve d'eau permanente. Dès l'automne, normalement, ils s'enneigent et le restent jusqu'au début de l'été. La neige de l'hiver fond peu à peu à partir du printemps et à un moment, le glacier est "à nu", c'est-à-dire que la neige (ou la glace) de surface, n'est plus celle de l'hiver précédent. A partir de là, il est "attaqué". La partie basse davantage évidemment. Son lent mais certain écoulement vers l'aval a pour conséquence un équilibre lorsque les températures sont stationnaires d'une année à l'autre, ce qui n'arrive évidemment jamais, d'où des fluctuations plus ou moins importantes.
Au-dessus de 2500 mètres, la fonte se fait sur la période estivale. Pour faire court, à partir de début juillet. Ce sont donc les mois de juillet et d'août qui sont les plus critiques même si septembre peut aggraver la chose comme l'année dernière. Deux mois. Cela paraît peu mais c'est énorme. C'est pourquoi je trouve intéressant de s'intéresser à la date à laquelle le sol enneigé de l'hiver passe au sec. Nous disposons pour cela de plusieurs outils dont les balises Nivôse Météo-France.
Près de chez moi, la balise de l'Aigleton est sur une des stations les mieux enneigées de France à cette altitude (2250 m). Je note précieusement chaque année la date à laquelle elle passe à zéro, de même que pour celle de Bonnepierre, Sept-cents mètres plus haut dans le massif des Ecrins. Le tableau ci-dessous indique la date de la fonte totale de la neige au niveau de la balise, puis la date moyenne, l'écart-type et le classement.
On y observe quelques divergences selon les saisons étant donnée la différence d'altitude (cette année est excellente en haute montagne et très mauvaise en moyenne par exemple). Avec un écart-type de 13 jours, l'Aigleton nous apprend que deux semaines d'avance annoncent une catastrophe. Cette année, avec deux semaines de retard (la date mentionnée est supposée puisque la neige n'a pas encore totalement fondue - 3e rang probable sur 20 ans, pas mal du tout), on a donc gagné près d'un mois sur les mauvaises années (2022, 2020, 2017, 2011...) ce qui est une excellente nouvelle.
Pour les glaciers, la balise de Bonnepierre accuse encore 280 cm au sol. Sur trente ans, il y a près d'une dizaine d'années durant lesquelles à la date actuelle, elle était déjà pas loin d'être proche de zéro. Le cru d'altitude s'annonce donc encore meilleur. Il est difficile de faire des projections mais il apparaît impossible qu'à la date (moyenne sur trente ans) du 11 juillet, il n'y ait plus de neige à Bonnepierre (ce qui correspondrait à une fonte moyenne de 13 cm par jour), d'autant qu'on n'annonce pas de températures caniculaires pour les deux semaines à venir.
Avec un scénario pessimiste d'une perte de 10 cm par jour, cela tiendrait jusqu'au alentours du 20 juillet, plaçant 2024 dans les dix meilleures années. Et avec -7 cm/jour, on tiendrait jusqu'au mois d'août. Maintenant, tout est possible, y compris une nouvelle canicule historique à partir de début juillet. Mais en tous cas, à l'heure actuelle, sans être exceptionnelle, l'année 2024 marque pour l'instant une petite résistance contre la courbe entamée ces dernières années.
Cette neige bien présente en montagne repousse quelques uns de nos projets verticaux mais ne nous plaignons pas. En attendant, avec Hervé et Gérald, nous sommes allés ajouter trois longueurs (50 ; 30 et 45 m) à la suite de "la folie des grandeurs" dans les aiguilles de l'Argentière (tête des Cos). Pour trouver la suite, du sommet de la "folie", traverser à gauche sur la vire à bouquetins (comme pour prendre la voie de descente à pied), horizontalement sur 20 mètres pour trouver une plaquette à cordelette orange. La suite commence ici par une grande longueur facile complètement en traversée à gauche afin de rejoindre la vire supérieure sous un ressaut d'une petite centaine de mètres en excellent gneiss. On sort dans les banquettes supérieures totalement enneigées actuellement. Descente possible en deux rappels puis marche ou par la droite sur un système de vires (une plaquette avec maillon pour un petit rappel éventuel).
Compte tenu de l'actualité et de la résistance qu'il va falloir mettre en place dans d'autres domaines, nous nous sommes amusés, bien que ce soit tout sauf marrant, à nommer cette petite voie "ça va barder là". Bonne grimpe !