La Chartreuse orientale se présente comme une longue barrière d'environ vingt-cinq kilomètres dont le flanc ouest présente des plateaux inclinés permettant une traversée de haut vol. Rappelons au passage les diverses possibilités :
1- L'intégrale au plus court : Dent, Bellefont, Granier (2000 m de déniv, 30 km)
2- L'intégrale par les sommets : Dent, Rocheplane, Lances, Manti, Alpe, Granier (2500 m de déniv, 35 km)
3- L'intégrale + rochers du Midi en descendant jusqu'à Perquelin et fin à la Pallud (3300 m de déniv, 45 km). Faite en 2013.
4- La méga traversée Grenoble - Chambéry (3600 m de déniv, 70 km). Faite en 2008.
5- La petite traversée : col de Marcieu - col du Coq : aup du Seuil, Lances, Midi, Dent (2200 m de déniv, 15 km). Faite en 2020.
6- ...
La deuxième est la plus équilibrée et demeure skiable en ce début mars malgré des conditions dignes d'une seconde quinzaine de mars en faces nord et d'une mi-avril en faces sud !! Avec un isotherme zéro annoncé assez bas, les risques de non-dégel en altitude, les neiges peu enthousiasmantes du moment... ce genre de "voyage" à côté de la maison s'impose comme une des belles idées de ce début de printemps météorologique.
Lulu la machine du plateau est partante. Après une dépose de voiture un peu fastidieuse à la baraque forestière du Granier, l'aventure commence en baskets au Baure de Saint-Pancrasse vers 8h15. Nous ne mettrons pas les peaux avant le bas du vallon de Marcieu : montée à la Dent au sec puis dans les traces (crampons non utilisés) pour le pas de l'Oeille, cheminée de Paradis puis crête de Rocheplane à pied également et idem pour Bellefont et arête sud des Lances bien secs. Les skis seront toutefois bien utiles pour gagner un temps fou dans la traversée Dent => Lances : une première du sommet de la Dent jusqu'au pied de la cheminée de Paradis puis une seconde de Rocheplane à sous Bellefont : les 2x1,5 km sont réalisés en moins de dix minutes ce qui est inconcevable à pied.
La descente des Lances nous offre du bon ski transformé et le long vallon de Marcieu demeure plaisant avec une glisse sur une neige parfaite : un piéton même coureur, sans parler de l'enfoncement, serait complètement distancé. Les peaux sont enfin mises pour rejoindre la crête ouest du Grand Manti ; traversée (descendante donc sans peaux) un peu fastidieuse vers le pré Pratcel (là encore, gros gain de temps sur le piéton) puis re-peaux vers la croix de l'Alpe et le beau vallon de Pratcel. Du ski agréable jusqu'à l'Alpette où il faut encore traverser le plateau avec les peaux : les Gignoux et leur débattement inégalé vers l'arrière sont un atout. Le pas des Barres est sec et vite avalé. Quand on en sort, le sommet du Granier n'est encore pas tout proche malgré le faible dénivelé : il nous faudra pas moins de trente minutes pour l'atteindre et sans traîner. On n'aura pas chômé avec une Lulu en pleine forme et pourtant, cela fait 6h qu'on a quitté la Dent.
Reste à trouver le sésame de sortie : d'abord l'unique passage pour se sortir du plateau sommital (pas évident à vue sans traces bien marquées - la géo-localisation change vraiment la donne) ; puis le pas de la Porte, déneigé sur son entrée sud. Les skis seront précieux pour négocier la raide traversée enneigée qui suit. Encore quelques virages sur une neige bosselée et un peu de sanglier et le dernier déchaussage arrive, un peu plus haut que ce que je pensais, vers 1400 m. Restent 500 m de portage en baskets sur un super sentier garni de feuilles pour retrouver la voiture.
En résumé :
- Une traversée magnifique (déjà dit).
- Tout à fait logique à skis en cette période de conditions dégradées ; à pied, ce serait une mission.
- 8h30 quand même pour l'ensemble. Avec les mêmes conditions de neige, un dénivelé équivalent sur du terrain classique sans ces longueurs et avec moins de manips me prendrait 5h/5h30. C'est donc long et il ne faut pas regarder uniquement le D+.
Post scriptum : Arrivé à la maison un peu après 18h et déjà des contrôles gendarmerie à l'entrée de Bernin. Je ne conteste évidemment pas le fait de mettre en place des situations barrière au Covid mais interdire aux gens d'être dans la nature après 18h me met en rogne. Nous sommes nombreux (et de plus en plus j'ai l'impression) à nous dire qu'au-delà du virus, le tournant que prend notre société et ses fondements est dramatique. Nous n'avons pas le choix de vivre avec ce virus ; par contre, les mesures prises par le gouvernements sont des choix et peuvent donc être autres. Certaines ne sont pas tolérables à mon sens.