Publié le 4 Février 2012
Grand comme le tour que l'on vient de réaliser ; Chartreuse parce que c'est là que ça se passe ; sibérien parce que c'était vraiment extrême côté températures et côté paysages aussi avec cette neige fraîche.
Le départ se fait de St-Pancrasse à 8h30; il fait -17,5°C au compteur. De quoi rêver (!) et laisser présager la suite de ce qui devrait se dérouler toute la journée et plus haut en altitude. L'équipe, composée de bons skieurs endurants est la suivante : Thibaut Florent, Nicolas Hairon, Eric Larose, Jérome Pianta (en télémark), marc Zelsmann et moi-même. Tous avons pris du matériel un peu large (donc un peu lourd) pour se faire plaisir à la descente. Dès le départ, il faut tracer jusqu'à rejoindre l'épingle 1200 de la route du col du Coq de laquelle on aurait pu partir. Nous avons cependant préférer assurer un départ du plateau afin de faciliter la liaison au retour ce qui s'avèrera un excellent choix.
Tout le monde a le sourire et ça discute durant cette première montée à Pravouta.
Ca discute, ça prend son temps et ça fait des images. Vous remarquerez au fur et à mesure de cet article que le nombre de photos sélectionnées (proportionnel au nombre de photos au total) est inversement proportionnel au cumul dénivelé de la balade...
L'épaisseur de neige atteint les deux mètres vers 1500 m d'altitude et cette quantité semble homogène sur tout le parcours. Le groupe suit une trace qui n'est pas la meilleure (peu montante et surtout exposée à d'éventuelles coulées venant de Pravouta) mais la face est très sûre (40 cm de neige ultra-légère sur un fond dur) alors on la suit en économisant ses forces pour la suite.
On a même le droit à une magnifique éclaircie sous le sommet avec une inversion de température (-11°C, le plus chaud de la journée qui sera très bref !).
Au sommet, on prend même notre temps. Les minutes passent ; on le regrettera un peu par la suite. La descente sur Perquelin est déjà tracé mais c'est large et on peut faire sa propre trace à la descente. Malheureusement, dès les premiers virages, Marco (que j'aide beaucoup) casse un bâton en carbone. Cela ne l'empêche pas de mener tambour battant cette descente.
Arrivés à Perquelin, il nous faut prendre des forces, boire, repeauter et surtout réparer le bâton de Marco. On attaque la montée sur la Scia à 11h00.
Les paysages sont déments. On voit rarement la Chartreuse dans ces conditions. Avec ces températures, la neige adhère même sous les branches !
La remontée à la Scia est un peu longue (900 m) avec du plat au début et la trace à faire à partir du col de la Saulce. Cette montée est ponctuée par des "je m'habille ; je me déshabille".
On ne shunte pas le sommet et on prend même le temps d'y discuter. L'ambiance est à la rigolade. Au bout d'un moment, tiens il fait froid. Allez, on repart. Direction la pente nord-est de la scia où une clairière assez raide incite à la prudence. Nous restons en rive droite le long de la forêt. Le ski est excellent jusque dans le vallon de Malissard.
Après une passage acrobatique, on rejoint le lit du ruisseau où l'on se laisse glisser jusqu'à une piste. Une courte remontée et ensuite ça glisse très bien.
Trop bien, si bien qu'on loupe l'embranchement pour les granges du Planay où doit attquer la montée au col de Fontanieu. Heureusement, un tilt dans ma tête. STOP !!!!!! Je crois qu'on est trop bas. Un coup d'oeil à la crte : il n'y a que 300 m de distance à remonter. Grâce à la carte, on trouve la sente qui traverse le torrent (bon courage pour la voir sans la carte et sans une bonne lecture de celle-ci). Ca traverse à pied puis il faut remonter 30 m bien raides dans la forêt sur l'autre rive.
Les problèmes de peaux commencent pour les uns. Il faut réchauffer les peaux sans colle de Jérôme. Quant à Nico, il s'arrête régulièrement pour recoller. J'ai des carrés double face qu'on décide de garder pour lorsque l'on n'aura pas d'autre solution. Pour ma part, les talons sont décollés mais ça tient encore. On poursuit en direction du col de Fontanieu où il faut tracer sur 500 m de montée.
Personne ne connaît, cet endroit est sauvage ; c'est vraiment de la très grande Chartreuse. Le froid semble s'accentuer un peu. Il est 14h. La descente de l'autre côté est un festival de poudre forestière. Du grand ski de Chartreuse. Des surprises à chaque virage avec des reliefs à épouser, des arbres à éviter, des minis combes à suivre... Dément.
Dans les 150 derniers mètres, il convient d'être prudent car là où le couvert est important, il n'y a que peu de neige et ça râcle. Il faut donc privilégier les parties clairsemées. On arrive au cirque de St-Même à 840 m d'altitude, point bas de cette course et où il y a quand même 60 cm de neige en terrain découvert. Point ravito, point carte, rephoquage,... Et c'est reparti en direction du sentier de Tracarta qui doit nous amener au habert de la Dame.
Après avoir tracé un bout, on retrouve une trace venant des Varvats. On en profitera jusqu'au habert. La forêt est on ne peut plus sibérienne. Pas âme qui vive, rien d'autre que du grand blanc.
On atteint enfin le habert. L'heure défile à toute vitesse. Il est 16h30 et il n'y a plus de trace en direction de l'interminable vallon de Marcieu dans lequel nous devons aller.
Heureusement, Eric et Nicolas connaissent un peu le coin pour l'avoir pratiqué en été lors du trail du Grand Duc. De mon côté, j'y suis passé il y a trois ans lors d'une traversée intégrale de la Chartreuse. On trouve ainsi assez facilement le GR et ses marques rouges suffisament hautes sur les trons pour ne pas être systématiquement recouvertes par la neige. On essaie de ne pas les perdre jusque dans le vallon de Marcieu qu'il est assez facile de suivre ensuite.
17h15, on a rejoint le vallon. Un long plat nous attend jusque sous le pas de l'Aup du Seuil. Il est 17h15, ça va être dur d'éviter la nuit. Le froid s'accentue, la bise se lève. Plus question d'enlever les moufles même quelques secondes. On sort la doudoune que l'on gardera ensuite jusqu'au parking (!!!). Bien enmitoufflés dans nos vestes, il faut se protéger aussi le visage. A un moment, Thibaut à la moitié (côté vent) du nez tout blanc ; Eric ne sent plus un des ses doigts... Ce sera la dernière photo du circuit.
La montée à l'Aup du Seuil impose discussions. C'est là ? C'est pas là ? Heureusement, la visi est bonne et on finit par ne plus avoir de doute sur la bonne brèche. l'ambiance est devenue tendue. Plus de discussions. Des mouvements rotatifs des bras, des têtes à 80% camouflées dans les vêtements. Là, il ne faudrait pas avoir le moindre pépin. Avec ces conditions météo, ce circuit est vraiment engagé. Ce vallon est vraiment un frigo (le mot est faible). Il doit faire quelque chose comme -25°C et des rafales de vent. J'ai déjà eu plus froid que ça parce qu'insuffisamment vêtu mais jamais je n'ai autant senti le grand froid. Il est 18h15 lorsque l'on débarque au passage de l'Aup du Seuil. Là, je suis le seul à avoir une frontale qui marche. On laisse tomber la virgule et on descend en haut du cirque à l'abri pour enlever les peaux. Il fait vraiment bon (alors qu'il fait entre -15°C et -20°C) par rapport à ce que l'on vient de vivre !!!! La descente se fait par le chemin jusqu'à la clairière sans se quitter d'une spatule puis à droite toute par un chemin forestier qui ramène aux pistes de fond. 5km de skatting jusqu'aux pistes de St-Hilaire sous le clair d'une Lune gibbeuse (merci) finissent de nous achever sur une neige qui ne glisse absolument pas en raison du froid. Pour les 3 km de route restant pour boucler avec St-Pancrasse, on choisit l'option auto-stop qui marchera très vite grâce à un sympathique habitant du plateau. Merci !!!
Au final, au-delà de la distance (pas loin de 50 km) et du dénivelé (3400 m), une aventure humaine, montagnarde et climatique absolument unique à deux pas de la maison.