Publié le 4 Juin 2018
Cette saison d'hiver 2018 aura été atypique. Vous me direz, presque tous les hivers sont atypiques. ce n'est pas faux : trop secs, trop humides, trop tardifs, trop doux... On n'est jamais content. On trouve toujours qu'il y a une anomalie et on met ça sur le compte du changement climatique. C'est dingue comme nos esprits sont formatés et interprètent à leur façon les phénomènes, parfois sans aucun fondement. Le réchauffement climatique de ces dernières années est indiscutable. Certes. Mais peut-il être responsable de tous les "maux" ? Les années sèches, les années neigeuses, les années douces, les années pluvieuses... il y en a toujours eu... Et il y en a souvent. L'hiver "idéal", à savoir, un froid progressif et des chutes de neige depuis le début décembre puis un réchauffement à partir de mars n'existe presque pas dans la nature. Les données météorologiques sont des données moyennes, calculées sur la somme d'informations de tous les hivers. En réalité, on est toujours trop sec ou trop humide, trop frais ou trop doux.
2018 aura été doux et très humide avec beaucoup de précipitations qui, malheureusement et compte tenu d'une chaleur très excédentaire depuis début avril, ne se retrouvent plus vraiment aujourd'hui sur le terrain bien que les limites skiables soient encore plus basses que la moyenne.
Si on en croit l'activité en ski de pente raide depuis le mois d'avril, on peut conclure que ce printemps aura été très favorable pour la pente. Entendez par là, de la neige qui "colle". Certes, la situation l'est beaucoup plus que lors des printemps 1997 ou 2011 par exemple où l'anticyclone avait régné en maître durant des semaines. Mais sur le terrain, je ne suis pas sûr que les conditions soient réellement très favorables.
Alors, pourquoi toutes ces sorties ? De mon analyse personnelle, les descentes de ski anciennement proclamé extrême du printemps 2018 sont dues à la conjonction de plusieurs facteurs ayant évolués ces dernières années :
- Evolution du matériel (efficacité/légèreté)
- Evolution des mentalités
- Information disponible
- Evolution du niveau des skieurs (liée aussi aux points ci-dessus) en technique et en audace
- Disponibilité des pratiquants (étudiants, guides, souplesse de travail, RTT...) constamment à l'affût
- Manière (on n'hésite pas à se lancer quitte à faire quelques rappels sans attendre que les conditions permettent de les éviter)
A cela il faut rajouter les conséquences de cet hiver :
- Limites skiables basses => toujours envie de skier malgré les dates
- remplissages des grandes faces et ressauts (grâce aux chutes excédentaires) donnant accès à des itinéraires plus tortueux
- quelques orages permettant un peu à la neige de coller
Mais je reste persuadé qu'avec les mêmes conditions quinze ans en arrière, on ne verrait pas toutes ces réalisations. Et inversement, avec des printemps comme en 2001, 2006, 2008... par exemple, les réalisations seraient cette année trois à quatre fois plus importantes...
Bref, une saison à mon sens quelconque pour les conditions dans la pente mais de plus en plus de descentes difficiles réalisées.
Il est difficile de résumer cette saison en quelques lignes mais en voici quelques unes
- Une fois de plus, nouvelle moisson de Hervé Degonon dans l'est des Ecrins. De très belles lignes ; d'autres capilo-tractées mais toujours du grand art. Je retiendrais personnellement la face nord-est du Pavé et son socle suspendu au-dessus des séracs que nous avions repéré (et marqué dans un coin de la tête - sans aller plus loin au final) avec Jean Bouchet en 2001 lors de notre passage au col Claire (il me semblait toutefois qu'il y avait déjà eu un précédent...).
- Toujours dans le sud, le très jeune Nicolas Jean (qui est en passe de devenir, a à peine vingt ans, un des grands de la discipline) qui réalise aussi une belle collection de pentes, nouvelles et répétitions (voir son album Facebook). A noter une répétition du Nant Blanc à la Verte, de la goulotte Bérhault au Pelvoux et une variante de la petite face nord de l'Ailefroide avec Benjamin Védrines et Michel Canac.
- Dans le massif du Mont-Blanc, l'annecien Paul Bonhomme et son projet les Quatre faces qui réalise la Verte deux fois dans la journée (montée Couturier, descente Whymper, montée Y après traversée du couloir du Cardinal puis descente Couturier) mais aussi une nouvelle voie aux Aiguilles du Mont (Aravis), aux Droites (Lagarde rive gauche) et une deuxième descente sans rappel des Autrichiens aux Courtes.
- Toujours dans le Mont-Blanc, plusieurs répétitions du Nant Blanc bien que hachées (conditions pas au rendez-vous), de la face nord d'Argentière, de la nord des Courtes (mix Suisses - Autrichiens, Briggs/Heimonen/Petersson), du Cordier à la Verte (par les mêmes), de la face est de la Blanche de Peuterey (Choquet/Ibanez/Ledru)...
- Il serait très long de citer les noms de tous les répétiteurs mais on note en vrac des descentes du Grand Pic de Belledonne (face est), de la Petite Lance de Domène (face nord), de la pointe Percée, de la dent Parachée (faces est et nord), de la Grande Casse (Italiens), de la Grande Ciamarella (face nord), de l'Ober Gabelhorn (face nord, presque devenu une piste de ski...), de la face nord de Miage, de la Lenspitze, de la Grivola (voie Crétier, Capozzi and co), du couloir Coolidge au Viso... On ne compte plus les passages dans le Mallory, le col de la Verte, la NE des Courtes...
Entre le "faux" et le "vrai" Davin (4.3 tous les deux), porte d'entrée du ski de pente il y a vingt ans, des lignes évidentes se sont intercalées sous les pics du Casset, cotant autour de 5.2/5.3. Maintenant, Hervé Degonon nous déniche des lignes intermédiaires dans les rochers entre celles-ci ! (Archives avril 2011)
La pente à la montée : c'est comme ça qu'on l'aime (couloirs de la Pyramide, avril 2011) mais aujourd'hui, ce type de réalisation devient monnaie courante. Le ski de pente tournicote davantage entre des rochers, sans être forcément plus raide.
Franchir une corniche à la montée : deux bons bâtons enfoncés à l'envers jusqu'à la garde sont un bien meilleur outil que le piolet (couloirs de la Pyramide, avril 2011)
A la descente, par bonne neige, les grands couloirs dits "RAS" sont une formalité aujourd'hui (couloirs de la Pyramide, avril 2011)
Une belle sortie ce jour-là (couloirs de la Pyramide, avril 2011) avec l'avion Marco et l'ami Thibaut, aujourd'hui aspirant-guide