Par monts et par mots

En voilà une belle forteresse ! Un massif dans lequel je ne mets pas souvent les pieds même si je connais un peu dans les grandes lignes. Des souvenirs de sorties entre potes, guidé par Yannick Ardouin vers le Mirantin avec le Kern pour une grande journée, les 3000 au compteur autour du crêt du Rey avec l'inusable lapin hollandais, le couloir au nom évocateur du Cussambon avec mon regretté "Nonos" Cardin et Oliv' Lesbros, les couloirs de Rocheboc et de Cerdosse avec l'affamé breton Le Golfoc (ça rime !) et l'Allemand Lionel, la raide face est du Roignais avec "grosZ" Nico Moss' ou encore la traversée du Grand Mont avec le mythique Riton Rillh... me reviennent en mémoire en remontant la vallée qui mène à Arêches.

Cette fois-ci, c'est avec ma fille Stella, motivée pour une sortie un peu plus longue que d'habitude. Une autre pointure nous guide : Caro Freslon, skieuse de haut-vol qui connait le coin comme sa poche nous a donné quelque tuyaux afin de trouver de la bonne neige et un beau décor. Un grand merci ! Au final, une journée parfaite qui me conforte dans l'attitude adoptée ces derniers temps à savoir que quand les conditions sont bonnes, on n'hésite pas à rester à la maison et à refaire des itinéraires connus plutôt que de faire de la bagnole et de temps à autre, on prend aussi le temps de s'exporter pour trouver de la poudre ou en tout cas, de la neige bien meilleure que le carrelage isérois actuel. Plaisir intense de cette journée de partage, une de plus dans le Beaufortain.

Les dernières sorties depuis une semaine m'ont mené à la dent du Pra, à la pointe du Sciallet, au jas des Lièvres... Avec des conditions franchement dégradées par la pluie en-dessous de 2000 mètres et par la glace jusqu'à 2500 mètres. Il y avait moyen de trouver du bon ski mais il fallait choisir précautionneusement les bons endroits, les bonnes orientations, les bonnes heures. Et sans doute bénéficier d'un peu de chance de surcroît. Voilà pour l'état des lieux en Isère. Des conditions annoncées par les secours en montagne, les pisteurs, les professionnels de la montagne... Durant ces sorties, mais aussi à la lecture de compte-rendus, j'ai pu observer ou lire des choses montrant qu'on rencontre de plus en plus de gens qui fréquentent la montagne en hiver sans avoir les compétences oet/ou connaissances nécessaires. Notre société de consommation s'exporte aussi en montagne : on veut cocher et empiler les sorties sans prendre le temps d'apprendre comment "fonctionne" la montagne en hiver. 

Soyons clairs sur l'état des lieux de nos massifs isérois :
- La neige est glacée en moyenne altitude et ne dégèle que sur des pentes plein sud, dans l'après-midi et encore, pas au-dessus de 2500-2600 mètres et sans vent ;
- Les autres pentes restent en neige dure ; à cette époque, avec des températures normales, le soleil est sans effet sur les pentes est et ouest ;
- Par ces conditions, aucune sortie raquettes n'est conseillée y compris en terrain plat ! La raquette, c'est pour éviter de s'enfoncer, pas pour évoluer sur la glace. Si on tient à tout prix à aller marcher sur la neige, il faut utiliser a minima des crampons forestiers sur les chemins plats ou des vrais crampons (+ éventuellement piolet) sur les terrains dès qu'il y a un peu de pente mais dans ce cas, à la seule conditions d'avoir un minimum de notions d'alpinisme.

Mea culpa. J'ai moi-aussi appris sur le tas et fait des tas de conneries. Mais c'était à une époque où il n'y avait aucune émulation par les autres (on ne savait pas ce que faisaient les autres, pas de réseaux, pas d'internet tout court), aucune pression et quand on ratait une sortie, personne ne le savait. On ne disposait pas non plus de tous les outils accessibles d'aujourd'hui. Et pas de tout ce qu'on a appris depuis. On n'avait pas d'informations sur les conditions. Il fallait aller voir.

En espérant que la neige revienne sans trop tarder...

Qui, elles aussi, veulent leur part du gâteau. De quoi conclure cette quinzaine en beauté. Place maintenant au yoyo chaud-froid. Nous allons suivre ce que va nous réserver cette semaine qui devrait modifier notre enneigement, tantôt à la baisse, tantôt à la hausse, en espérant un bilan positif ce qui demeure incertain.

Situation d'inversion thermique classique d'hiver mais pour le coup, vraiment marquée et presque atypique : brouillard givrant à ras la vallée du Grésivaudan (jusqu'à -5°C au petit matin et au maximum 2°C en journée) et chaleur à 2000 m (entre +5°C et +12°C !!!) avec ski de type "moquette" en faces sud et un début de transformation en surface en est et ouest au solstice.

On part de la maison avec la doudoune et on se retrouve à remonter des pentes en t-shirt, sans gant et en dégoulinant. Et sinon, toujours du bon ski !

Certains l'aiment verte, d'autres veulent se l'accaparer. L'hiver venu, la neige vient mettre tout le monde d'accord. "Si c'est blanc, c'est que ça passe" disait l'autre. A contrario de l'été où les sentiers canalisent les visiteurs par la force des choses, d'autant plus en terrain chaotique, la neige ouvre doucement ferme les horizons. Tantôt cela devient plus difficile, tantôt plus accessible. La neige nivelle les reliefs, efface les limites de propriétés. Le ski permet de s'affranchir des ressauts (à la descente), divise le temps de retour par dix. Mais il s'avère parfois technique, exposé et très dépendant de la qualité de la neige. Ainsi certains itinéraires deviennent confidentiels de par leur difficulté hivernale. Cela met tout le monde d'accord. Pas besoin de lois, de règles. La nature reprend ses droits et les chamois se meuvent sur des vires inaccessibles ou en tous cas, infréquentées. Un régal d'avoir pu reparcourir une troisième fois cet itinéraire en hiver, avec cette fois un petit rappel.