Fin de partie

J'ai découvert ce secteur de Belledonne en 2015. Enfin, "découvert"... je le connaissais déjà. J'ai surtout découvert se richesse. J'ai appris à le connaître, à trouver et à parcourir les moindres sentes tracées par les animaux. Je m'y suis perdu. Je me suis retrouvé pendu dans des vernes à descendre au milieu de petites barres. En cas d'accident, on ne m'aurait probablement jamais retrouvé dans cette jungle. J'ai fini par le connaître presque par coeur. A être capable de m'y rendre sans consulter la carte de nuit par temps de brouillard. J'y ai fait des dizaines d'affûts. J'y ai dormi au milieu des cerfs qui me réveillaient en pleine nuit à l'automne. J'y ai pris la neige en septembre. J'ai fui sous un orage magistral. J'y ai laissé des caméras que je montais relever régulièrement, en marchant dans des pentes d'herbe déversées, les pieds complètement trempés. J'y ai observé le loup qui venait de prédateur un cerf. Durant une vingtaine de minutes en plein jour, il se tenait sur cette crête, sans doute repu du festin de la nuit. J'y ai passé des centaines d'heures...

J'y reviendrai sûrement à l'occasion mais il est temps pour moi de passer à d'autres choses, ou, en tous cas, de passer ailleurs. C'est avec un petit pincement à la gorge que je récupère ma dernière caméra encore présente sur le secteur. Un dernier affût sous le chant du merle à plastron et me voilà reparti au coucher du soleil. Je me retourne une dernière fois. Il me semble entendre les cerfs qui résonnent et apercevoir le loup couché sous ce gros pin cembro. Il est temps pour moi de tourner une page ici. Dans la pénombre, je fais mes derniers pas sur cette sente un peu scabreuse et retrouve un chemin digne de ce nom. Dans un calme absolu, je laisse mes pieds se poser l'un devant l'autre et recommencer l'opération jusqu'à retrouver la civilisation. "L'aventure" continue ailleurs.