portraits

Publié le 1 Octobre 2025

Nous avons grandi véritablement ensemble. Une chambre partagée dans un appartement de soixante mètres carrés pendant douze ans. Les passe-temps c'était ballon, cache-cache ou encore vélo dehors. Ou le mercredi matin, pendant que les chats (les parents) n'étaient pas là (travaillaient), les souris dansaient : batailles de coussins, de balles de tennis et autre projectiles possibles après que chacun avait confectionné un camp avec remparts... Les vacances, c'était aussi ensemble. Souvent chez les grands-parents à Allevard ; aussi à Rians dans le Var, où se situait notre résidence secondaire. Quand on commençait à prendre de la liberté, nous partions dans les bois. Parfois, il y avait la session "bataille de pommes de pin". Là encore, chacun se faisait des murailles avec des branches puis un stock de munitions jusqu'au coup d'envoi des hostilités. De quatre ans ton ainé, je gagnais presque toujours. Cela se finissait souvent en pleurs mais l'animosité se tarissait rapidement. Tu étais toujours prêt à recommencer malgré la probabilité de l'issue. Notre mère me répétait : "tu verras, un jour il sera plus fort que toi" ! Phrase qui n'avait aucun impact sur mon comportement. J'avais quatre ans de plus et je ne prêtais guère attention à notre différence de corpulence, moi le "petit" tout maigre et lui le grand à la carrure de rugbyman. 

Lorsque les parents nous ont emmenés plus loin des montagnes, comme pour ne pas les quitter, je me suis mis au ski (de rando) et à l'alpinisme. La proximité des Calanques fut alors le déclic pour découvrir l'escalade. J'avais déjà dix-sept ans mais toi, tu n'en avais que treize. Pourtant, tu t'es rapidement joint à toutes ces péripéties. Nous avons fait nos premières grandes courses quelques années plus tard, souvent dans les Ecrins : Grande Ruine, Barre, Meije, Olan avec des anecdotes trop longues à raconter ici. On a vu quelques cailloux passer tout près. Je me souviens aussi de la longueur clé de l'éperon de l'Ermitage où, en tête, tu n'avais pas vu les pitons dans le dièdre de droite et avait gravi quinze mètres de dalles à côté sans pouvoir mettre la moindre protection. J'entends toujours ton cri en arrivant au sommet du ressaut, en ajoutant "putain, j'arrête ce sport !".

Peu à peu, nous avons suivi nos chemins, toi dans le sud et moi dans les Alpes. Toi sur le VTT, gardant un pied dans l'escalade encore quelques temps ; moi sur le ski puis beaucoup plus dans la grimpe au moment où toi tu l'abandonnais. Mais ce n'est pas parce que nos chemins ont quelque peu divergé que toutes ces années ont été oubliées !

Aujourd'hui, j'entends maman me redire "il sera plus fort que toi !". On ne peut pas comparer une descente à VTT, une descente à skis, une voie d'escalade. Mais en termes d'engagement, je reste bouche bée devant celui que tu es devenu. Tes voyages en Asie centrale sont du "100% Cédric" et tout ceci est d'un rare engagement. Les plus grands sportifs de l'extérieur voyagent aux quatre coins de la planète. Ils font un film avec parfois un caméraman extérieur, très souvent un routeur météo à distance, et ensuite une équipe de montage du film. J'en reste tout autant admiratif et la qualité de leurs expéditions est souvent récompensée par la palme d'un festival de films dédiés. Mais toi, tu fais tout. Tu n'as pas (encore) la palme mais tu fais tout de A à Z. La préparation des itinéraires en passant des journées sur les cartes et les images satellites, tu traverses des contrées où personne n'a vu passer un vélo, tu ne sais ni où tu vas arriver le soir ni où tu vas dormir. Pas de routeur pour te donner les prévisions météo toutes les jours. Tu filmes tout. Entièrement. Drone et caméras embarqués. Et pas un mulet pour porter le matériel. Derrière, le montage, c'est encore toi. Les projections, c'est encore toi. Aux quatre coins de la France et de Navarre. Alors, mon petit frère, hormis la taille qui dépasse la mienne depuis bien longtemps, tu es devenu bien grand. A défaut de te suivre à vélo et en attendant la vraie, c'est moi qui te décerne une palme pour ces expéditions hors du commun !

Bivouac aux Ecrins, camp de base à la Bérarde et sommet de la Meije avec Philou et Nico.
Bivouac aux Ecrins, camp de base à la Bérarde et sommet de la Meije avec Philou et Nico.
Bivouac aux Ecrins, camp de base à la Bérarde et sommet de la Meije avec Philou et Nico.

Bivouac aux Ecrins, camp de base à la Bérarde et sommet de la Meije avec Philou et Nico.

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Rédigé par lta38

Publié dans #portraits

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Publié le 1 Juillet 2025

Je voulais vous parler un instant de Sylvain Thiabaud. Guide et prof d'EPS à la fac de Grenoble, originaire de Maurienne, Sylvain est un passionné d'escalade, rocheuse, mixte ou glaciaire, avec un penchant pour l'ouverture de voies nouvelles. Grimpeur de haut niveau, il a de grandes classiques dans sa besace dont une des rares répétition de "Divine Providence" en libre au Grand Pilier d'Angle.

Exilé dans le sud-ouest pour le boulot, Sylvain a sévit sur les falaises des Pyrénées avant de revenir dans les Alpes tout près de Grenoble. Depuis, il a fait des rochers du Midi, de la dent de Crolles, de Chamrousse, du Grand Pic de Belledonne,... son jardin d'exploration. Des lignes nouvelles viennent s'intercaler entre les (plus ou moins) classiques sur ces sites renommés. Des voies parfois entièrement équipées mais surtout, des itinéraires dits de trad' sur lesquels Sylvain sait trouver le difficile équilibre entre protections naturelles et plaquettes.

Je décrie de plus en plus les réseaux sociaux sans pour autant les snober ; c'est grâce à ces moyens de communication que j'ai pu faire de nombreuses rencontres et partager ma passion. C'est ainsi que j'ai commencé à échanger avec Sylvain, un peu avant son arrivée à Grenoble. Un certain nombre de points en commun nous ont fait nous rapprocher mais avec quand même un fossé entre nous deux. Là où j'atteins mes limites lorsque je grimpe régulièrement (le "7inf"), lui, il randonne pour ne pas dire, il s'échauffe.

A force d'échanger, nous tenions à partager une sortie ensemble. Sylvain me propose une petite ouverture "à mon niveau" en face ouest de la dent de Crolles, the place to be par ces temps de canicule. Comme l'a dit Josiane Balasko, j'y vais mais j'ai peur. Ce qui a été pressenti comme une voie Tabaud devrait plutôt être une voie Thiassan ! J'avais entièrement confiance en le choix du bonhomme mais parfois, les mythes sont difficiles à dépasser. Dès le départ, je suis habité d'un petit stress bridant. Il me faut parvenir au R2 pour avoir la confirmation qu'il faudrait forcément passer par un petit moment de panique.

Sylvain attaque cette fissure en traversée. Une longueur de rêve, plein gaz, les mains plus ou moins bonnes mais les pieds à plat sur ce gris pas forcément très adhérant du secteur. Le Mauriennais est un expert dans la pose de friend. La couleur rapidement identifiée, un petit coup de marteau pour arrondir quelques picots de carbonate de calcium et hop, l'objet est en place. Parfois, il s'y reprend à deux fois pour bien le positionner. Quelques à-coups dessus afin de s'assurer de la tenue et la corde est clippée. Sylvain avance, place un puis deux autres friends. Au relais, la tension monte. Il va falloir traverser en second (le pire !), proche de mon niveau max, avec la peur de déboutonner un friend. Ouf, il pose une plaquette en quatrième point. Un crochet placé en un éclair, une petite consigne à l'assureur "gaffe, le crochet est pas top !" et la manœuvre est exécutée avec brio. Quatre points fixes seront posés jusqu'au relais.

Derrière, je survis autant que faire se peut et termine vivant au relais. Sylvain rigole. Une autre traversée, plus facile, suivie d'une belle dernière longueur en fissure nous mènent au sommet où deux rappels nous permettent de revenir sur le sangle de la Barrère. La longueur clé (peut-être 7a, peut-être pas...) aura été le témoin du fossé qu'il y a entre mon niveau d'escalade et le sien. Mais l'essentiel était ailleurs. Les montagnes peuvent rapprocher les gens. L'entraide, le partage, l'adaptation... ont été le vocabulaire associé à la sortie de cette belle journée au frais. Quasi formalité pour Sylvain, je suis certain qu'il aura pris autant de plaisir à m'y guider que moi à le suivre. Un grand merci pour ce partage l'ami !
PS : et l'humour en plus. Sylvain propose de nommer cette voie (topo plus tard) "la traversée tassanique". Validé !

Sylvain Thiabaud
Sylvain Thiabaud
Sylvain Thiabaud

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Rédigé par lta38

Publié dans #portraits, #escalade-alpi, #Chartreuse

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Publié le 22 Décembre 2021

Il a fallu attendre dix années de présence à proximité de Crolles pour que j'ai la chance de rencontrer André. Dédé est une personne en or, un des visages les plus marquants que j'ai rencontré ces dernières années. Ce guitariste chevronné qui a joué avec Brassens, Barrier ou Lapointe a plus d'une corde à sa guitare et la plus grosse est celle de la truffe.

Il possède une truffière expérimentale sur laquelle tout est étudié de manière méthodique, en partenariat avec des organismes nationaux des plus sérieux. Et cette expérience, il la partage volontiers avec des passionnés ou des néophytes comme moi. Son site internet (qui est en train d'être mis à jour - patience, le bonhomme a quand même quelques défauts dont sa familiarisation avec les outils numériques inversement proportionnelle aux autres connaissances dont il est truffé) nous en apprend un peu plus sur ce personnage hors du commun, de même que l'association La Catananche cartusienne dont il est secrétaire général et pilier.

Ce qui m'a marqué chez André, ce sont à la fois ses connaissances, sa lucidité, sa gentillesse, son partage et son humour. Sa façon d'appréhender cette branche de la mycologie est à la fois très professionnelle, très scientifique, mais aussi très proche de la nature en étant à l'écoute de tout ce qui s'y passe. De peur de dire des bétises, je n'en dis pas davantage ; le mieux est d'aller lire son site et celui de l'asso pour entrer dans ce monde particulier de la truffe. Merci André pour cette amitié rapidement scellée !

Le décor est planté
Le décor est planté
Le décor est planté

Le décor est planté

Partage de sa passion
Partage de sa passion
Partage de sa passion
Partage de sa passion
Partage de sa passion

Partage de sa passion

Une grande complicité avec Oulya et sa truffe indispensable pour chercher les truffes.

Une grande complicité avec Oulya et sa truffe indispensable pour chercher les truffes.

André Coulon, une rencontre en or

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Rédigé par lta38

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Publié le 25 Septembre 2021

Je n'ai pas encore rencontré l'ours brun à ce jour. Ma tentative dans les Abruzzes en 2017 avait été un échec. Mais comme je le disais, s'il devait revenir dans nos Alpes françaises, je le verrais dans le Vercors. Sans l'ombre d'un doute et je ne suis pas le seul. A quand la concrétisation de ce projet ?

Cependant, d'autres zones peuvent être favorables à son retour. Mon ami JP le voyait dans Belledonne. Immense sportif passionné, JP avait marqué le petit monde grenoblois par ses sorties à vélo où rares étaient ceux qui pouvaient le suivre comme en témoigne le non moins monstrueux Matthieu Bordin. La référence, c'était "coq en stock". Outre l'allusion à l'illustre personnage de bande dessiné, l'exploit m'avait laissé sans voix : réaliser dix fois l'aller-retour au col du Coq depuis le bas (10000 mètres de dénivelé) dans la même journée était une première sans doute pas reprise depuis. Et le tout sans coke !

J'ai appris à connaître JP via le monde des réseaux sociaux. On s'est rapproché par le côté contemplatif. Quand il ne faisait pas du vélo ou du ski de randonnée "ventre à terre", il partait à la découverte des lacs de Belledonne ou des fleurs, réalisant des photos posters panoramiques. Sa quête des lacs de Belledonne (ses "100 lacs de Belledonne") ou encore des "100 sommets en une année" était inspirante, tout comme les sorties complices avec sa chienne Gaïa "dog at the top". Nous avions fini par nous organiser sur le terrain : une dent (de Crolles) par ci, un tour à Pipay par là. Je me souviens d'un jour où je débarquais au parking de la Dent avec deux copains. Il était là, par coïncidence. Nous étions donc quatre mais mon idée de départ était de monter "tranquille". JP donna rapidement le ton. Je dus serrer les dents derrière. Si je finis au sommet avec quelques secondes d'avance, ce n'est que grâce à ma connaissance du terrain et à la chance qu'il soit probablement dans un mauvais jour...

Un peu plus tard, il me confiait son envie de se hisser au sommet du Grand Pic de Belledonne mais sans oser y aller seul (JP n'était pas un grimpeur). Je l'y conduis avec plaisir et comme prévu, la corde resta dans le sac à dos. En 2019, il m'annonçait qu'il était malade. Depuis ce jour, je ne l'ai jamais entendu se plaindre. Il me disait être heureux et que malgré l'avenir incertain, il le resterait. JP s'était mis aussi à l'aventure contemplative procurée par les caméras automatiques. Après quelques conseils, il s'était équipé et avait fini par réussir à filmer des loups. Nous nous sommes finalement assez peu croisés mais échangions régulièrement. Malgré la maladie qui progressait et semblait dessiner une issue inévitable, il gardait le sourire. Sa force morale m'impressionnait. Même dans les derniers moments, il est resté heureux de vivre.

En 2020, JP venait d'écrire une nouvelle de type fiction qui avait été retenue pour être publiée dans un petit recueil local coopératif.  Dans "Nouvelles au balcon" aux éditions "Belledonne moi la main", JP  parle de la réintroduction de l'ours en Belledonne avec son histoire "la Tuine de l'ours". Il me dit s'être inspiré de moi pour son personnage principal, prénommé Lio et instituteur à mi-temps. Il m'offre un exemplaire du livre avec une dédicace : "Merci Lionel de m'avoir inspiré le personnage de ma nouvelle. Je l'ai écrite comme une feuille de route pour la réintroduction de l'ours en Belledonne. Je te laisse maintenant le soin de faire de cette utopie une réalité. Je compte sur toi !!!".

De mon côté, je lui dédicaçais le livre d'images "Belledonne, beauté sauvage" auquel j'ai modestement participé. Lors de cet échange au printemps dernier, chez lui à Theys, je le trouvais toujours aussi radieux d'embrasser la vie. Observer les oiseaux depuis sa fenêtre ou aller les écouter depuis une piste forestière sans marcher était devenue une adaptation qu'il acceptait. Ce fut la dernière fois que nous nous sommes croisés en direct.

Aujourd'hui, ses amis lui ont rendu un hommage sur le sommet de la dent de Crolles. Je mesure maintenant combien j'aurais aimé profiter davantage de son amitié. Profitons de la vie pendant qu'elle est encore là. Veille sur nous JP !

Pour JP

Pour JP

Sortie à Pravouta avec JP et "dog at the top"

Sortie à Pravouta avec JP et "dog at the top"

Sur la dent. En hiver et en été
Sur la dent. En hiver et en été
Sur la dent. En hiver et en été

Sur la dent. En hiver et en été

Grand Pic de Belledonne. Malheureusement ce jour-là, suite à la casse de mon petit hybride Panasonic, j'avais un APN pourri en dépannage.
Grand Pic de Belledonne. Malheureusement ce jour-là, suite à la casse de mon petit hybride Panasonic, j'avais un APN pourri en dépannage.

Grand Pic de Belledonne. Malheureusement ce jour-là, suite à la casse de mon petit hybride Panasonic, j'avais un APN pourri en dépannage.

Nouvelles au balcon
Nouvelles au balcon
Nouvelles au balcon

Nouvelles au balcon

JP avait réussi à filmer le loup : ici une capture d'écran d'une de ses vidéos en format très compressé.

JP avait réussi à filmer le loup : ici une capture d'écran d'une de ses vidéos en format très compressé.

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Rédigé par lta38

Publié dans #portraits

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Publié le 28 Juin 2020

Il nous a quittés la semaine d'avant confinement et son enterrement n'avait pu réunir toute sa "grande famille", celle de ses amis et aussi de connaissances moins proches mais pour qui il comptait beaucoup de par son engagement dans le monde de l'escalade. On ne refera pas le monde. J'ai écrit ici ce que j'avais sur le coeur. Et sur le site de l'ECI, son fils Sylvain donne des détails sur l'accident.

En ce samedi d'été, près de cent cinquante personnes étaient réunies pour un adieu collectif à Chamrousse. Moment émouvant...

Peu après, me voici de retour sur le site de Chamrousse pour faire découvrir les voies de Jean-Mi à Antoine, jeune grimpeur qui promet. Un petit "brocken towers" à la fraîche. J'avais oublié que le pas de sortie de L3 était aussi bloc. Je l'avais pourtant réussi la dernière fois mais là, le confinement aura eu raison de ma motivation, doublé d'une erreur de lecture éliminatoire. Mais peu importe. La voie est belle et un peu soutenue. C'était parfait. Merci Jean-Mi pour ces beaux itinéraires !

Dans "brocken towers"
Dans "brocken towers"
Dans "brocken towers"

Dans "brocken towers"

Hommage
Hommage

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Rédigé par lta38

Publié dans #escalade-alpi, #portraits

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