Du sable pour le ski de printemps ?
Publié le 7 Février 2021
Tout le monde a pu voir les images de ce redoutable coup de sirocco donnant un air de fin du monde à nos montagnes. Si on y a bien droit de manière régulière, je n'ai pas le souvenir d'un phénomène d'une telle ampleur, en tous cas sur la neige.
Au passage, on se rappellera des 22 et 23 juillet 2009 qui resteront dans les mémoires. Le matin du 22, après une nuit déjà anormalement chaude, un fort effet de foehn se met en place. Le temps est couvert ; je me souviens d'une lumière jaunâtre et d'un air complètement saturé de poussières. Ce couvercle se poursuit toute la nuit et la station météo de Saint-Martin-d'Hères ne descendra jamais en-dessous de 31°C !!! Au petit matin, les habitants suffoquent dans des appartements surchauffés, déjà difficiles à supporter quand la température ne descend "que" dix degrés plus bas !!! Il faudra la mise en place d'une cellule orageuse en fin de journée du 23 pour mettre un terme à cette horreur. Ne cherchez pas de record dans les annales ; c'est Menton qui détient le record officiel (pourtant moins chaud) car les données enregistrent la température la plus basse de la journée (il me semble même entre 18h et 18h) et celle-ci sera redescendue en-dessous des 30°C en l'approche des orages du deuxième jour... Mais il est possible que cette nuit du 22-23 juillet 2009 à Grenoble soit la plus chaude jamais enregistrée dans l'hexagone sous notre climat actuel !
Rien de tout cela ce samedi, et même des températures qui n'avaient rien d'exceptionnel à Grenoble avec un maxi à "seulement" 12°C (vs 20°C mercredi dernier, déjà beaucoup plus remarquable pour un début février). En revanche, ça commençait à faire beaucoup plus mal en altitude : Chamrousse à 1800 m, accusait ce samedi d'une Tmin à 7°C et d'une Tmax à 9°C. Spectaculaire en plein hiver !
Mais le plus spectaculaire était cette remontée de sable du Sahara. Encore une fois, de mémoire, je n'ai pas le souvenir d'en avoir vu autant. Les skieurs y sont allés de leurs images, garanties sans effet sépia. Impressionnant ! Les commentaires ont été nombreux ; et se dire que tout cela n'est que passager avec l'arrivée de la neige qui redonnera un paysage de saison. C'est bien le cas ce matin puisque des précipitations modérées se produisaient à 1300 m d'altitude et étaient même amenées à s'abaisser.
Alors, oublié et seulement noté précieusement dans les tablettes cet épisode de sable ? Pas certain. Car si les chutes de neiges vont sans doute continuer à s'accumuler durant l'hiver, que va-t-il se passer ensuite ? A partir du mois d'avril, le bilan neige/fonte devient déficitaire à 1500 m d'altitude puis, au fil des jours, de plus en plus haut. Sur quelle neige allons-nous skier ? Comment sera le paysage ? Blanc ? Vraiment ? La neige fond, se transforme, se tasse. Mais le sable reste. Il finira toujours plus ou moins en surface. Aurons-nous des images de montagnes orange durant tout le printemps ? Cette "couverture" aura-t-elle un effet albedo ou absorbant ? Si une grosse épaisseur de pierres (sur un glacier) comme de copeaux de bois (pour garder la neige d'une station) a un effet protecteur par isolation, en revanche, une fiche couche sombre ne jouera pas ce rôle et, au contraire, se réchauffant plus vite, pourrait avoir un impact sur la fonte de la couche de neige qu'elle surmonte. Je m'en remets aux avis éclairés des spécialistes.
Pour finir, on notera la loi des vases communicants. De Noël à fin janvier, je constatais des températures proches des nôtres en Norvège, à altitude égale évidemment, alors que globalement, on a un "glissement" de l'ordre de 1000 m d'altitude : le froid était davantage centré sur nous. Mais depuis fin janvier et le changement de temps noté depuis ce jour, les choses se sont radicalement inversées. Si vous cherchez où est l'air froid, jetez un coup d'oeil sur le sud de la Norvège où les températures sont descendues bien bas, y compris sur la côte ouest. A Bergen par exemple, où les températures sont proches de celles de Grenoble entre mi-novembre et début février, le thermomètre est en permanence dans le négatif et descend fréquemment sous les -10°C sur cette période. Et des secteurs intérieurs qui piquent : Røros ou Grotli oscillent depuis une semaine entre -13°C au plus "chaud" de la journée et -36°C !! Et ce n'est pas parce que nous sommes sous des latitudes élevées qu'il fait normalement si froid : n'oublions pas que nous restons proche de l'Atlantique (mer du Nord) et donc, soumis aux effets réchauffants du Gulf Stream. La Norvège n'a rien à voir avec la Sibérie !