La carte
Publié le 4 Juillet 2025
Sorti du contexte, qu'évoque ce mot pour la majorité des gens ? Peut-être la carte de paiement, la carte à jouer ; éventuellement la carte du monde ou la carte du restaurant mais très certainement pas la carte topographique.
Il y a quelques années, on rencontrait en montagne, toutes activités confondues, deux types de pratiquants : ceux qui savaient globalement se servir d'une carte (topographique donc) et ceux qui essayaient de se dépatouiller avec. Mais tous (allez, hormis quelques vacanciers qui se promenaient avec un plan de l'office du tourisme local, qui peut toutefois être assimilé à une carte très simplifiée) avaient un point commun : la carte dans le sac à dos ou, plus récemment, sur une application électronique type IphiGéNie.
Aujourd'hui, ces deux catégories perdurent mais une troisième est née en parallèle : les randonneurs sans carte. Partis suite à une suggestion sur Instagram, ils ont identifié le parking puis gèrent la sortie avec les panneaux et des questions posées aux randonneurs rencontrés en chemin, s'aidant parfois de Google Maps, application quasi inutile voire dangereuse en montagne. Souvent, cela se passe sans encombre ; surtout parce que les objectifs sont très modestes, très bien balisés et qu'ils n'y sont jamais seuls. Mais cela se corse dès que les contraintes augmentent et même si en proportion, les incidents sont mineurs, ce manque de préparation et d'expérience se paie, en valeur absolue, en plusieurs dizaines de secours par saison. La montagne est un milieu aléatoire. On ne peut pas jeter la pierre, c'est le cas de le dire, au grimpeur victime d'un bloc rocheux, au skieur victime d'une avalanche... En revanche, on est tenté de passer un savon à qui se fait récupérer sur un sentier sans encombre techniquement, perdu dans un brouillard annoncé et par absence de moyen (et de compétence) d'orientation.
La carte (en France, celle de l'IGN au 1:25000 quel que soit le support ; a minima ou en complément les fonds de carte collaboratifs opentopomap) demeure indispensable en montagne. A minima la carte électronique mais avec la précaution que le support ne se décharge pas totalement en énergie. S'en priver demeure une erreur grossière et de débutant car pour le coup, le coût n'est pas très élevé. Mais encore faut-il savoir la lire. Je me souviens d'une question sur les réseaux où un "randonneur" demandait si le sentier vert sur la carte était facile. Ce sentier vert, représenté par un trait vert large, n'était autre qu'une limite de réserve naturelle... On a bien rigolé ; c'est déjà ça. Il est passé pour un idiot (tant pis pour lui). Un manque total d'autonomie puisque la première chose à faire, avant même de savoir s'orienter, c'est de connaître la signification des marquages d'une carte ce qui s'appelle une légende. Et si on ne maîtrise pas tout, c'est quand même très simple d'aller consulter ladite légende avant de poser des questions stupides. On se dit surtout que d'autres sont très certainement partis faire le sentier vert sans avoir posé la question. On n'a pas vu le compte-rendu de la sortie sur Insta...
La société de consommation, celle du "je veux tout, tout de suite", s'exporte aussi en montagne. Plutôt que de réfléchir, on demande à "tchatgépété" ; c'est plus rapide. James Cameron l'avait prévenu en 1984. Fan de technologie, je reste mitigé. A partir du moment où les secours explosent pour des situations mal préparées (orientation ou autre), c'est qu'il y a une erreur du pratiquant. Vaste débat ; curseur difficile à placer ; constat limite grotesque quand soi-même on a fait pas mal de conneries dans sa carrière montagnarde...
Je reste néanmoins un fervent défenseur de la carte topographique, forme (la posséder) et fond (savoir s'en servir) et invite tous les néo-randonneurs à prendre le temps d'apprivoiser cet outil indispensable en montagne.