Papier, caillou, ciseaux
Publié le 11 Août 2015
Passionné depuis très longtemps de livres de montagne, j'ai toujours eu chez moi tous ces papiers nous permettant de préparer/revivre une course, rêver... Le papier, c'est aussi dans le jargon de la presse, les piges que je fais pour Montagnes Magazine. Sans doute cet attrait pour le papier et le nez dans les topos qui ont fait que j'aime bien aussi rechercher des choses inédites, sans qu'elles soient forcément difficiles.
Le caillou, ben c'est le rocher.
Quant aux ciseaux, c'est le nom donné à cette paire de rochers (que l'on voit bien sur la gauche de l'image sur laquelle est tracée la voie) et on comprend bien pourquoi.
La voie "papier, caillou, ciseaux" (donc), remonte la dalle granitique bordant la rive gauche du couloir est des Ciseaux aux Grands Moulins dans Belledonne. Cela fait quelque temps que je voulais aller voir.
Soyons clair : pour beaucoup, ce sera une bouse. Pour les autres, ceux qui souhaiteraient aller sur ce beau sommet par un itinéraire nouveau qui grimpe un peu sans fiare d'exploit et sans trop se charger, alors pourquoi pas ?
J'ai équipé les relais à 30 m (sauf L6, à court de matériel - j'étais parti juste "pour voir" - mais possibilité de faire relais intermédiaire sur un becquet) ce qui fait qu'avec une attache de 30 m à simple, cinq dégaines (voire juste mousquetons), quatre friends (prendre C4 de 0,3 à 0,75 - câblés inutiles) et trois sangles, on peut monter hyper light. Les chaussons sont inutiles ; des baskets peuvent suffire même si l'idéal seraient des "baskets" de montagne à semelle semi-rigide.
Le rocher (du granit) est excellent moyennant quelques blocs posés en équilibre ça et là (j'en ai envoyé quelques uns dans le pierrier) mais il en reste, surtout sur les vires. Et quand on grimpe et qu'on regarde au-dessus, c'est même assez joli. En revanche, vers le bas, on a l'impression d'être dans un jardin. Normal dans ce niveau là, et encore plus en Belledonne. J'y retournerai à l'occasion avec quelques pitons pour que ce soit bien équipé (je manquais de lames - les cornières se placent difficilement, les fissures sont bouchées).
TOPO
Approche (1h30)
De Valpelouse, gagner le refuge de la Perrière puis poursuivre sous la face sud des Grands Moulins. Gagner le col de la Frêche. De celui-ci, descendre un peu versant Maurienne (cairns) et traverser à gauche pour remonter jusqu’au pied de la face.
Cheminement
L1 - 3c - Gravir une dalle qui se redresse (un piton à la sortie) puis poursuivre plus facilement en tirant un peu à droite (un anneau) jusqu’à une large vire (relais sur un anneau). 30 m
L2 - 4a - Suivre cette vire à droite ; quand elle s’interrompt gravir la belle dalle au-dessus ; trois mètres au-dessus d’un piton, traverser à droite, franchir un couloir puis gagner un becquet sur lequel on fait relais. 30 m
L3 - 4b - Suivre une vire à droite qui se rétrécit (petit pas sur bonne inversées non protégé) puis franchir une marche droit et poursuivre en dalle (un piton) en tirant un peu à droite. Relais sur un anneau sous une petite marche. 30 m
L4 - 4a - Poursuivre en dalle en tirant encore un peu à droite puis droit (1 piton, relais sur une zone herbeuse couchée, un anneau). 30 m
L5 - 3b - Plus facilement en dalle (relais sur becquet). 30 m
L6 - 4b - Monter droit vers un joli petit dièdre couché puis revenir ensuite à droite sous un petit surplomb et gravir un dièdre évasé (un piton). Revenir à gauche dans la belle dalle et sortir droit sur l’arête (relais sur anneau sur becquet). 40 m. Doit pouvoir se scinder en deux avec relais sur friend ou becquet un peu en-dessous du piton.
Descente
Par la voie normale (sentier de type « belledonnien »). Le plus joli consiste à poursuivre jusqu’au sommet et revenir par l’arête nord.
Pour boucler, j'ai voulu descendre par une sente marquée en pointillée sur la carte. Elle part au sud du col de la Frêche, franchit deux épaules et descend la combe Noire pour rejoindre le sentier de traverse qui revient au habert (et non au refuge) de la Perrière.
Surtout ne faites pas comme moi !!!
Au début, sente à peine visible, casse-couilles dans l'herbe en traversée puis descente. Ca le fait quand même. Arrivé au chemin de traverse vers 1800 m (ruine d'un ancien chalet d'alpage), pas de sentier de traverse. J'ai cherché à l'alti (calé précisément) et fini par trouvé quelque chose de potable qui traversait vers le nord. J'ai suivi. Mais rapidement, plus de sente. Juste une trace d'animaux au milieu des vernes et des fougères. On fait quoi dans ce cas là ? Il reste 1,5 km de distance en traversée descendante jusqu'au habert ou 400 m de dénivelé hors sentier en plein cagnard pour remonter. Ben on continue.
Une galère sans nom. La jungle de Belledonne. Des rhodos, des fougères, des vernes, des trous. A 300 m de distance du habert, déjà plus d'une heure pour faire 200 m de dénivelé dans ce merdier. Ca s'éclaircit, je pense ^etre sauvé. Le pire sera à venir. Un quart d'heure au milieu d'énormes blocs entourés de végétation haute (vernes, rhodos géants, genièvres...). Suis même tombé dans un trou ; j'avais juste la tête qui dépassait des branches. Tu meurs là-dedans et on ne te retrouve jamais !!! Un enfer. Y'aurait eu de quoi se mettre à pleurer. j'ai hurlé "putain de merde de bordel de montagne de sauvages...". Bref, c'est passé mais plus jamais... Incroyable à quelle vitesse la végétation reconquiert des sentiers non fréquentés. De manière générale, je remarque que la végétation est de plus en plus présente dans Belledonne. A bon entendeur...
Les GM (la voie sort juste au-dessus de la première brèche à droite du sommet) depuis le début du calvaire (ça allait encore bien là)