En annonçant une ouverture des promenades à 20 km, le président a fait plus que je ne l'espérais. On pourra s'éloigner dès samedi jusqu'à 20 km de son domicile au lieu d'un seul. A titre personnel, cela m'ouvre officiellement les portes d'une bonne partie de la Chartreuse et d'une partie de Belledonne. Je précise au passage que de par mes activités professionnelles, cela ne change pas grand chose pour moi : juste que sur cette portion congrue, je n'aurai plus à justifier (voire prouver selon les demandes du contrôleur) d'une sortie à des fins professionnelles. Les trois heures octroyées (au lieu d'une seule) sont loin d'être proportionnelles à l'allongement de la laisse et ne permettent pas d'en profiter réellement. Seulement, ne souhaitant pas systématiquement râler, je constate que c'est une avancée et qu'en plus, en contournant la législation, il est facile d'en profiter beaucoup plus longtemps sans que l'on puisse prouver quoi que ce soit si on ne s'éloigne pas trop du parking (étant donné qu'ils n'iront pas jusqu'à chercher à faire la preuve qu'on n'est pas des presque Kilian, cela ouvre les portes de sommets perchés 1200 m au-dessus de la voiture). De ce côté-là, on s'en contente largement, surtout que ce n'est que pour deux semaines. On retrouve donc un accès à la nature.
Toutefois, on ne peut pas cacher les interrogations autour de cette levée : est-elle due à la pression mise à ce sujet ou tout simplement à la régression du virus (ou les deux) ? Car ce que nous sommes nombreux à souhaiter, c'est que cette règle du kilomètre ne soit pas reconduite à l'avenir dans une situation similaire à celle de novembre ou d'avril derniers. Et on n'en a aucune certitude.
On peut donc commencer à farter les skis et de toutes façons, il ne semble pas y avoir de neige avant la mi-décembre ce qui devrait correspondre à la possibilité pour tout le monde de rejoindre les montagnes. Le dieu de la neige, s'il existe, aura été clément pour éviter les frustrations et les jalousies. En revanche, notre président a jeté une bombe concernant l'ouverture des stations de ski. Alors qu'on s'attendait à ce qu'il annonce leur ouverture tel jour, ou au contraire leur fermeture durant les vacances (voire que des discussions étaient encore en cours entre tous les acteurs) le voilà qu'il leur rejette la faute en les culpabilisant : "ce ne serait pas raisonnable d'ouvrir" a-t-il dit ! Hallucinant ! Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour que pétitions, interviews et réactions s'enchaînent pour crier au scandale.
Que penser de l'ouverture des stations de ski ? On pourrait déjà les classer en deux catégories. D'abord les (souvent) grandes (mais pas que) dont la clientèle est majoritairement touristique. Dans la conjoncture actuelle (peu de réservations, bars et restaurant fermés etc), elles risquent d'afficher une forte baisse de fréquentation et encore plus pour celles qui sont tributaires de clientèle étrangère. Financièrement parlant, il faudrait voir si une ouverture serait rentable. J'imagine que les études ont déjà été faites. Et puis, il y a les autres, celles à proximité des grandes villes où une (parfois grosse) partie de la clientèle est à la journée. Celles-ci pourraient tourner à peu près normalement y compris sans les bars et restaurants.
Au-delà de cette fréquentation prévisionnelle, la question est de savoir quelles sont les motivations à ne pas ouvrir. Concernant le risque de contamination, on peut d'ores et déjà l'écarter : d'abord, on est en plein air. Ensuite, les professionnels ont réfléchi depuis plusieurs mois à un protocole sanitaire exigeant avec masques dans les files d'attente, un siège sur deux à la montée, réduction des capacités des cabines et désinfection régulière de celles-ci etc. Et bien sûr, nous sommes en pleine décrue de contamination. Le problème semble ailleurs à mon sens et provient des accidents.
Autant au niveau des activités de pleine nature "à artifice limité", les accidents, réels, demeurent très faibles au regard de tas de choses toujours autorisées et cet argument ne tient plus (pas ?), autant en station, les collisions et autres chutes génèrent une véritable traumatologie. A titre d'exemple, en haute saison, l'hôpital d'Albertville recense 200 entrées / jour d'accidentés sur les pistes. Le hic, c'est quand on voit l'emploi que les stations génèrent, on ne peut pas faire l'impasse sur cette question capitale : ouvrir quand même ou pas ?
Je n'oserai pas me prononcer car complètement partagé entre ma passion de la neige, ma compassion pour les professionnels de la neige et la réalité du problème. Mais il me semble que notre président a balayé un peu vite (et d'une vilaine manière) la possibilité d'ouvertures (partielles). Clairement, une petite station comme Saint-Hilaire-du-Touvet (Isère) ou Cordon (Haute-Savoie) n'a pas les mêmes attentes ni le même impact en terme d'accidentologie qu'un grand domaine. D'autre part, la neige n'étant pas encore là et la décrue bien amorcée dans les hôpitaux, n'était-ce pas un peu prématuré d'annoncer qu'on ne pourrait pas ouvrir d'ici trois semaines et demi ? D'autant qu'il ne faut pas oublier que l'argument d'encombrement des dispositifs de soin est à tempérer par le fait que le véritable problème c'est bien la réanimation et pas le nombre absolu d'entrées. Aujourd'hui, la vie continue et une entorse, un doigt entaillé ou un petit trou sur le front après une chute à vélo sont pris en charge comme d'habitude par les services de soin car ces derniers n'ont évidemment pas été démantelés. Le problème numéro un reste le risque d'entrer en réanimation en cas d'accident grave, presque toujours dus à une vitesse excessive. N'est-ce pas l'occasion de se pencher sur ce problème réel qui, indépendamment du Covid-19, est l'argument premier pour ma part, à hésiter d'aller skier en station avec les enfants ? Là aussi, il y a sans doute des mesures à mettre en place. Clairement, les vitesses sont beaucoup trop élevées sur des pistes-boulevards parfois très fréquentées et l'activité ski doit rester un plaisir. Ou alors passer à la compétition (comme pour la voiture, il existe des circuits pour les férus de vitesse ; sinon, il y a le code la route). En attendant des mesures pérennes, il y a sans doute des choses à mettre en place pour du ski apaisé et moins dangereux durant ces prochaines vacances de Noël. Au final, il semble que mon côté "compassion pour les professionnels" l'emporte ; pour ma part, si échec, nous mettrons les peaux avec les filles en attendant.