Les filles n'étaient jamais allées au petit dôme qui domine le pas de la Coche. La partie raide précédent le pas demande des précautions en hiver : elle peut être avalancheuse car pratiquement plein nord et dépassant les trente degrés ponctuellement. Elle peut également être en neige dure et donc assez technique à la montée. L'ensemble, malgré un dénivelé de seulement 700 m depuis le parking haut, reste une course de "deuxième niveau" comme le Petit Arc de dimanche dernier bien que la partie un poil sérieuse demeure très courte.

Avec les conditions printanières, en montant l'après-midi donc sans les contraintes techniques d'une ascension sur neige trafolée regelée, l'ensemble serait presque initiatique sans la traversée sommitale et ses quatre conversions. Bien entourée par les copines et avec le leader qui retrace proprement puis se met en-dessous lors des conversions, la petite voisine Amélie en aura fait avec brio une de ses premières vraies randonnées à skis.

Et compte tenu de l'horaire, nous fûmes absolument seuls sur toute la partie au-delà du habert d'Aiguebelle et aurons rencontré très peu de monde. Là encore, les mythes ont la vie dure. A peine partis du parking, un petit groupe de randonneurs en termine. Plutôt habitué aux encouragements des skieurs voyant des enfants en montagne et à skis, je suis un peu surpris par leur annonce : "Alors, vous allez profiter de la soupe ?". Comprenez, vous aller faire de la neige pourrie, ce n'est pas la bonne heure. Lundi, j'étais au jas des Lièvres face est. Un choix parfait au-dessus du habert compte tenu de mon horaire de dispo. Mais il fallait accepter la partie inférieure encore béton, truffée de trace et en gros quasi inskiable. Alors certes c'était parfois un poil mou et collant mais sur l'ensemble, c'était quand même mieux car plus homogène que ma matinale. Et avec un risque vraiment limité, la neige étant globalement bien tassée.

S'il ne faut évidemment pas faire n'importe quoi lorsque le soleil chauffe, je pratique depuis des années ces sorties en décalé, remplies de plaisir (couchers de soleil, solitude, belles lumières...)  et en toute sécurité. Allez, un petit album pour montrer le plaisir d'être là à ce moment-là !

Avec ces journées chaudes de printemps, il y a lieu d'étudier le timing pour éviter la neige pourrie sur les pentes (un peu) raides, d'autant qu'on est encore loin du névé. Lorsqu'on sera à nouveau sur la couche de sable, on pourra sans doute allonger les horaires, quitte à ce que ça colle un peu. Pour ces journées jusqu'à jeudi, on peut raisonnablement tabler, à 2500 m d'altitude et sur des pentes supérieures à 25 degrés, sur les horaires de descente suivants :
- plein est = 10h
- sud-est = 11h30
- sud = 12h30
- sud-ouest = 13h30
- ouest = 15h
Ces horaires restent indicatifs et dépendront de la profondeur du regel et des températures du moment. A savoir que le regel sera meilleur plus on regardera l'ouest car beaucoup plus long (quand il fait chaud, les faces regèlent toutes à partir du même moment le soir, lorsque le refroidissement nocturne devient suffisant mais en revanche, les faces ouest peuvent regeler jusqu'en fin de matinée). A noter par contre que dès que le soleil touchera les faces ouest, le dégel commencera car ça cognera fort. Des petites astuces qui permettent d'optimiser sa descente. Ce matin, c'était parfait pour la face est du jas des Lièvres à 10h30.

Après une première vraie saison de randonnée pour les filles à accumuler les sorties (une petite vingtaine en tout) principalement sur des itinéraires d'initiation (500 à 800 m de dénivelé, peu de conversions), on monte d'un petit cran avec cette épaule du Petit Arc qui permet en même temps de leur faire découvrir un autre massif. Ici, le dénivelé dépasse les 900 m et les conversions sont nombreuses durant la montée de la combe est. Calée sur l'horaire d'été, on sera malgré tout pile dans le timing avec une descente à 12h30. En cherchant les meilleures expositions, on bénéficiera d'une neige transformée excellente jusqu'en bas. Et ça skie encore à la voiture en finissant autour des touffes d'herbe. Une vraie belle course facile que je ne connaissais pas. Sans la foule des sites près de Grenoble, bien que le parking était plein, à juste titre.

Pour ce petit créneau de l'après-midi, prenons un peu de d'altitude et visons les versants nord-ouest, ceux qui dégèlent le moins vite et avec espoir que ce ne soit pas trop mou du fait de l'arrivée d'un voile précédant la perturbation de la nuit. Direction la dent de Bédina et ses nombreux couloirs que Cécile n'a jamais fait. Il faut dire que moi-même, je n'y mets pas souvent les pieds. La faute à la proximité de la station qui déverse d'une part son flot de skieurs hors-pistes crayonnant en une seule demi-journée la moitié inférieure de la course, et d'autre part, les quelques amateurs de "télé-rando" qui gravissent en crampons l'arête nord de la Jasse puis viennent ici en mettant à peine les peaux. J'avais réalisé seulement deux fois le couloir de la dent Noire : en 1998 avec mon ami Nico Cardin, à une époque où on pouvait y être les premiers trois jours après une chute de neige. Puis plus récemment durant une session ski-test. Ce sera donc seulement mon troisième passage ici, pile face à la dent de Crolles skiée deux jours auparavant. Après quelques sections poudreuses en rive gauche, on retrouve une neige transformée bonne à skier et ce, jusqu'à rejoindre le vallon classique de Bédina par le couloir médian, lui-aussi moins tracé que d'habitude. En partie basse, ça devient carrément collant et il faut même pousser dans la traversée où nous avons l'impression d'avoir gardé les peaux. Heureusement, cela ne dure pas et la piste de ski sera même excellente, bien damée et lisse alors que d'habitude, c'est souvent un immonde champ de bosses. Une bien belle petite sortie avec des contrastes métalliques.

Je ne pensais pas y revenir à skis cet hiver. Ce n'est pas la première fois que la dent de Crolles repassait au vert en plein hiver mais généralement, cela se produit en décembre ou début janvier suite à un épisode de foehn sur une neige tombée récemment. A la vue des habituels mois de mars, l'espoir était maigre de compter sur un réenneigement de fin d'hiver après l'anticyclone doux de la deuxième partie de février. Et du même coup, je pensais noter dans mes tablettes la date de fin de ski la plus précoce sur cette montagne depuis le (très) mauvais hiver 2011. Finalement, cette énorme (un mètre en moyenne) chute de neige providentielle de la mi-mars fait qu'on s'achemine grosso modo vers un hiver tout à fait normal en Chartreuse voire même un peu meilleur que la moyenne en terme d'enneigement (durée et cumuls). Et si on regarde la qualité de ski, il se glisse avec 2013 comme les meilleures saisons dont j'ai le souvenir.

Dent de Crolles, pas de l'Oeille (ski 4.1/E4) ; montée par le sentier de la Gorgette (tout à peaux jusqu'au sommet), descente classique.