Publié le 30 Janvier 2011
Une fois n'est pas coutume, les conditions actuelles ne laissant guère le choix, nous voilà partis pour faire une course en montagne. L'idée est de faire une approche un peu sauvage en peaux puis de remonter un couloir de neige et de glace et enfin de rentrer skis aux pieds. Thibaut nous annonce la veille qu'il devra être rentré avant 17h. Nous ajustons donc l'heure de départ vers 9h afin que Monsieur soit à l'heure. Tout ça pour apprendre durant l'approche que la seule raison de cet impératif horaire est la finale du championnat du monde de Handball...A peine une heure après être partis, les chalets du Poursollet sont derrière nous et le rocher Culasson est en vue. Le temps est couvert mais il ne fait pas froid. La trace est déjà faite et on ne perd pas de temps.
Le décor est rapidement planté : des cascades de glace, il y en a un peu de tous les côtés. Pour nous, ce sera de l'alpinisme "facile" aujourd'hui avec le couloir nord du col du Grand Van coté D dans l'échelle moderne des cotations montagne.
Nous sommes 4 : Thib et moi feront cordée commune tandis qu'Eric et Marco grimperont ensemble. La neige est de plus en plus dure et mes amis passe en mode piéton tandis que je persiste à garder les skis aux pieds pour encore quelques conversions. Ca devient assez tendu et Marco, en général pas pressé de mettre les crampons pose son sac et son les engins tranchants. Je décide à mon tour de mettre les skis sur le sac et de passer en mode alpin.
Une cinquantaine de mètres plus haut, nous atteignons le pied du premier ressaut glacé sous lequel nous attend thibaut qui est en train de s'équiper. Le ciel commenece à virer un peu au bleu et les espoirs de saisir le soleil à la sortie de cette face nord sont bien réels.
Le premier ressaut se présente sous la forme d'un mur de glace de cinq à six mètres puis, bien que la pente ne faiblisse pas, la glace est recouverte d'une neige très dure dans laquelle les piolets ancrent à merveille sans forcer. La progression est alors assez rapide dans cette longueur. Une pente de neige fait suite : la difficulté est réduite au maximum mais en revanche, nous enfonçons un peu et il faut faire la trace. C'est ainsi que se présente le second ressaut. L'attaque est bien raide (80°) mais cela ne dure pas ; au-dessus, la pente, toujours en glace, se couche et est entrecoupée de banquettes de neige dure.
Tout au fond, Grenoble est toujours sous une épaisse couche de stratus : les grenoblois vont encore dire qu'il a fait un temps excécrable aujourd'hui...
Après le second ressaut, une nouvelle pente de neige doit nous emmener au pied du dernier ressaut, le plus raide, le plus "dur". Là encore, nous enfonçons et ne progressons pas aussi rapidement qu'on l'aurait souhaité. Le mur sommital se décline en deux parties aussi hautes l'une que l'autre (environ 60 m de dénivelé mais davantage en développement) : à droite, une pente de glace et de neige dure inclinée à 70° ; à gauche, un mur plus raide mais entrecoupé de portions un peu plus couchées. La logique est d'aller à droite mais Thibaut part bille en tête à gauche. En même temps, à deux cordées, c'est bien de se séparer. Ca évite de trop recevoir d'"assiettes" sur la tronche. Et en plus on peut se photographier mutuellement.
De mon côté, c'est très bien pour une reprise de contact avec la glace que je pratique peu d'évoluer en second, d'autant que j'ai fait l'impasse sur un second piolet technique en le remplaçant par un tout petit piochon "troisième main" afin de m'alléger : pas très pratique pour la glace bien que l'ancrage soit tout à fait correct.
Après avoir tiré une longueur de trente mètres, Thibaut fait relais sur une agréable banquette. Monsieur est allé mettre une broche au plus raide et je n'ai pas trop le choix que de suivre sa route : le piolet troisième main est parfois ancré à minima mais comme le relais est annoncé "béton", je me permets ce luxe en second.
La longueur suivante est très belle avec une glace bleue de toute beauté. Il faut s'appliquer à viser les petits trous recouverts d'un peu de neige dans lesquels l'ancrage est en général excellent. Bourriner est rarement bon en glace car en plus de se dauber les bras, on peut éclater la glace autour du point d'ancrage.
Thib s'arrête à dix mètres du sommet afin de faire un relais dans de la bonne glace. Et puis, il faut dire aussi qu'on a été bien radins en matériel (je n'ose pas dire combien de broches on a pris mais en engageant bien, tout le matériel est utilisé dans les longueurs !). Marco vient d'en terminer avec le ressaut et installe le relais dix mètres au-dessus de nous. Je me colle en tête pour ces derniers mètres où le quatuor finit par se rejoindre. Il fait maintenant beau au-dessus de nos têtes et nous finissons de remonter le couloir de neige jusqu'à l'arête du Petit Taillefer où nous ferons la seule pause de la journée. Il est 13h et il fait faim et soif.
Coup d'œil au sud où il semble neiger dès les pentes du Beaumont. Le vent souffle un peu mais fort heureusement, il n'est pas très froid.
Pour rentrer, il y a deux options : skier le haut de la combe de l'Emay (probablement en neige dégueulasse), remonter un peu au pas de la Mine puis le skier (neige béton probable) et gagner l'arête de Brouffier ou alors, suivre intégralement l'arête du Petit Taillefer jusqu'à la croix Pinelli et plonger dans le petit couloir nord (4.1 à skis) pour rejoindre Brouffier.
Nous choisissons cette deuxième option beaucoup plus panoramique et plus intéressante pour le skis.
Après une courte remontée, l'arête est sensiblement horizontale puis légèrement descendante. L'ambiance est superbe, le tout sous un beau soleil.Ce sera la dernière image de la journée, Marco attaquant bille en tête la descente. Et tout le monde suit sans que l'on puisse avoir le temps de penser à prendre une photo. Une jolie course et on aura le temps de faire beaucoup de choses avant le match de l'équipe de France qui sera championne du monde pour la quatrième fois !