Une page se tourne
Publié le 1 Septembre 2015
Dory est né à côté de Udine dans le nord-est de l'Italie le 22 avril 1921. Ayant déjà eu plusieurs fils tous décédés de mortalité infantile, ses parents l'avaient appelé ainsi (Dory est le diminutif de Salvatore, Sauveur en Français) en espérant qu'il "résiste". Il aura résisté plus de quatre-vingts-quatorze ans ans.
Très vite, la famille débarque en France et trouve du travail à Allevard dans le nord-est de l'Isère. Dory n'a pas quinze ans lorsqu'il remarque que son père se fait léser dans son travail. Il observe en effet que les tombereaux de roche partent avant même que les wagons soient pleins et que du coup, il perd de l'argent (il était payé au poids de chaque wagon). Dory ne se gène pas de l'exprimer au supérieur hiérarchique de son père. Le patron lui lance alors un défi : celui de remplacer l'homme chargé de faire partir les wagons. Il n'est pas encore adulte et gagne déjà plus que son père...
Durant la seconde guerre mondiale, il est appelé en Italie et il échappe in-extremis à la milice allemande en sautant du train qui est intercepté quelques minutes plus tard avec tous ses amis qu'il ne reverra jamais. Ce faisant, il trouve refuge dans une famille, récupère des habits civils et rentre en France le plus discrètement possible.
En 1945, il rencontre Carla et l'année suivante, naîtra mon père Bruno (puis Marc trois ans plus tard). La suite est connue.
Durant toute ma jeunesse, j'ai passé des heures avec mes grands-parents. C'est avec Dory que j'ai parcouru la montagne simplement, en allant pique-niquer au bord d'un lac, en gravissant un joli sommet, en allant aux champignons, aux myrtilles... C'est sans doute parti de là ; d'autres rencontres par la suite ne faisant qu'accentuer le processus.
Jamais je n'oublierai ces moments qui ont activement participé à ce que je suis devenu. Jamais je n'oublierai non plus ces moments tous simples et essentiels dans la vie d'enfant, souvent partagés avec mon frère Cédric dans la maison d'Allevard : les courses dans le potager, les batailles de pommes, l'escalade de la rambarde du premier étage, les bonhommes de neige de deux mètres de haut, les explorations au-delà de la maison, les parties de belotte...
Dory s'est très vite intégré dans son pays d'adoption, il a travaillé dur, a fait sa maison, s'est occupé de sa famille, de Carla jusqu'aux dernières heures de sa vie à l'automne 2005. Il n'a jamais voulu être aidé, a souhaité se débrouiller seul jusqu'au dernier moment. Sa maison était son repère. Il ne l'a pas quittée...jusqu'au bout.
Aujourd'hui une page se tourne. Dory s'en est allé. Aujourd'hui, je suis triste même si c'est dans l'ordre des choses. La vie trouve toujours un chemin mon Papé. On ne va pas se laisser abattre comme tu le disais toujours !
Ciao Pépé
2004 : lors d'une sortie champignons. C'était peine perdue de lui offrir des vêtements techniques et un sac à dos décent. Sa tenue d'époque restait pour lui la meilleure.