On n'est pas au Nant Blanc !

Publié le 28 Avril 2016

J'aurai pu titrer autrement compte tenu de la surprise arrivée en haut du couloir mais je préfère cette phrase lancé par Nico Moss', un des trois compagnons du jour et avec qui j'ai partagé de nombreuses pentes depuis plus de dix ans. C'est aussi à lui que l'on doit cette sortie alors petit clin d'oeil.

Trois jours avant, je lance l'idée de cette sortie de l'après-midi : de la neige tombée à 800 m d'altitude, 40 cm de fraîche au-dessus de 2000 m, l'isotherme 0°C à 1800 m soit mieux qu'en de nombreux jours de décembre-janvier (!!!), grand beau et flux de nord -> cela ne devrait pas bouger, sauf bien sûr dans les versants plein soleil. 

Je pensais aller au-dessus du lac de Crop pour limiter la route et le portage mais le Nico est gourmand et, bien que tout à fait partant quel que soit l'objectif, je sens bien qu'il aimerait une pente un peu plus soutenue et surtout de plus d'ampleur que les micro-couloirs, aussi raides soient-ils, de la rive gauche du Muret.

Je vends donc à la petite troupe une face nord du Grand Charnier d'Allevard, à vue bien sûr (on ne va pas se fatiguer), face que j'ai déjà skiée en mars 2005 avec Jacques Cayuela que je salue à cette occasion.

Première ascension : les Plagnes. Classique. On connait, c'est vite plié.

L'hiver dans la montée aux Plagnes

L'hiver dans la montée aux Plagnes

Première descente : le col de Claran. Une longue traversée sans intérêt mais il faut bien la faire. Cela permet aussi de se retrouver dans la "grande" Belledonne.

Seconde ascension : le Grand Charnier. A chaque fois, j'y suis venu en gravissant au préalable le Petit Charnier (et avec une manip' supplémentaire donc) mais les conditions sont tellement bonne qu'elles nous permettent de l'escamoter en traversant à peaux la raide et exposée face ouest du Petit Charnier. Gain : trente à quarante minutes !

La suite est somptueuse : raide montée à peaux jusqu'à l'épaule puis l'arête nord à pied en mettant les mains (quelques passages rocheux faciles) puis repeaux jusqu'au sommet puis à gauche l'entrée de la face nord, entièrement vierge.

L'hiver sous le Petit Charnier. Noter au fond les grandes faces nord du Veyton en conditions patagoniesques.

L'hiver sous le Petit Charnier. Noter au fond les grandes faces nord du Veyton en conditions patagoniesques.

Le Nico sortant de l'arête nord du Grand Charnier

Le Nico sortant de l'arête nord du Grand Charnier

La calotte sommitale

La calotte sommitale

Bon allez, venons-en au vif du sujet. Nous arrivons en-haut de la face nord. L'entrée est "rando" mais semble assez chargée. Etant donnée la largeur et la pente pas extrême (40-45°), je ne suis pas rassuré, pourtant presque résigné à attaquer par une grande droite en prenant ensuite la tangeante si ça décroche. Je n'en dis point mot aux copains. L'ambiance est à la rigolade. Nico (toujours lui) voit cette petite pointe à droite et propose de partir du sommet pour rajouter trois virages. Je les encourage tout en restant à la selle pour les prendre en photo à leur passage. Si nous étions restés au niveau de la selle classique, aurions-nous attaqué droit en-dessous et avec quelle "prudence" ?

Nico envoie de grosses courbes dès le départ

Nico envoie de grosses courbes dès le départ

Nico envoie de grosses courbes dès le départ en restant rive droite puis est obligé de revenir au centre avant le rétrécissement. Il place une traversée appuyée et là... tout part... dessous. On crie pour prévenir et l'animal continue en traversée pour aller se mettre à l'abri sous un petit rocher rive gauche. On observe la coulée disparaître dans le couloir. On distingue l'aérosol au fur et à mesure de la descente ; la zone de départ n'est pas très volumineuse mais ça emporte tout sur son passage. Au bas de la face, ça semble vraiment gros. Et si c'était parti en amont de lui également ? A la vue de la configuration des lieux, l'issue était probablement sans appel. Dans ces couloirs raides, les risques sont souvent dans les élargissements des pentes sommitales et, la plupart du temps, les plaque(ttes) partent sous les skis. Ne généralisons pas car pour le coup, ce sont bien les "billes" 40 cm sous la dernière couche qui semblent responsables du glissement. Avec bien sûr de la cohésion au-dessus. La plaque aurait pu glisser aussi en amont (il en restait encore plus gros à partir). Mais il est clair que descendre un couloir à vue est finalement moins risqué que de le remonter, surtout quand le sommet à cette configuiration évasée. Après analyse du bouzin, l'équipe, refroidie, est prête à abdiquer et à rentrer par un itinéraire bis plus engageant.

La zone de fracture. A gauche, vue du sommet ; au milieu d'un peu plus près (on distingue Yo qui s'est mis à l'abri) et à droite depuis la zone de "repli" avec Régis en train de nous rejoindreLa zone de fracture. A gauche, vue du sommet ; au milieu d'un peu plus près (on distingue Yo qui s'est mis à l'abri) et à droite depuis la zone de "repli" avec Régis en train de nous rejoindreLa zone de fracture. A gauche, vue du sommet ; au milieu d'un peu plus près (on distingue Yo qui s'est mis à l'abri) et à droite depuis la zone de "repli" avec Régis en train de nous rejoindre

La zone de fracture. A gauche, vue du sommet ; au milieu d'un peu plus près (on distingue Yo qui s'est mis à l'abri) et à droite depuis la zone de "repli" avec Régis en train de nous rejoindre

Mais c'est sans compter sur le Nico. Le petit burné (petit par la taille du personnage hein ?) va voir le crux et annonce que maintenant, c'est nettoyé et qu'il semble y avoir un bon grip dans le passage à 50° (ou un peu plus). Les trois autres hésitent toujours, notamment par le risque d'avoir le crux en béton. Et là, c'est la phrase qui tue "Putain les gars, on n'est pas au Nant Blanc là".

C'est vrai quoi. Même en neige béton, on a déjà fait pire et en plus, c'est pas béton. On y va, d'abord prudemment sur le haut. Le crux est finalement pas bien compliqué avec une petite traversée à gauche et on skiera des contre-pentes entièrement poudreuses. Petit passage délicat pour traverser la profonde goulotte générée par le cataclysme puis re-poudre, tout le monde hurlant de plaisir comme en signe de relâchement après le petit moment de tension.

Orgasme dans le cône inférieur

La suite est plus classique et commence par une remontée un peu chaude au Petit Charnier où Yo va nous quitter en coupant au plus court car il a un timing serré pour le retour.

On remonte face au Grand Miceau

On remonte face au Grand Miceau

L'arête nord du Grand Charnier (2561 m) où l'on voit nos traces

L'arête nord du Grand Charnier (2561 m) où l'on voit nos traces

Nous poursuivons donc avec Nico et Régis jusqu'au sommet pour faire le petit couloir nord que je n'avais jamais fait alors que je le connais depuis vingt ans ; à l'époque, il était toujours vierge. Eh bien là, il l'est aussi. On en profite.

Versant est du col de Claran

Versant est du col de Claran

Remontée aux Plagnes ; on distingue le haut de la face nord (à gauche) et l'intégralité du couloir nord du Petit Charnier (2187 m)

Remontée aux Plagnes ; on distingue le haut de la face nord (à gauche) et l'intégralité du couloir nord du Petit Charnier (2187 m)

Une dernière remontée aux Plagnes permet de boucler cette "petite sortie" (1800 m quand même) avec une dernière descente par le Triangle, étonnament poudreux en fin de journée deux jours de soleil après une chute de neige en face ouest à seulement 1800 m d'altitude.

Merci les z'amis pour cette belle sortie et spécialement à toi Nico pour ton enthousiasme inaltéré au fil des années. 

Un "petit" rappel à l'ordre qu'il faudra garder en mémoire.

Rédigé par lta38

Publié dans #ski-glisse

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