Arête ouest intégrale au rocher d'Arguille
Publié le 2 Novembre 2014
J'étais prêt pour une grande voie d'escalade mais mon équipière du jour s'étant blessé la veille (j'espère qu'elle sera vite tirée d'affaire), je me retrouve seul par ce beau dimanche de disponibilité, le dernier avant le retour de la neige en milieu de semaine (le dernier de l'automne pour aller au sec en altitude ?).
Du coup, c'est l'occasion de profiter de cette magnifique Belledonne en ce moment et d'aller voir cette arête que je lorgne depuis fort longtemps : l'arête ouest du rocher d'Arguille. Ca va être long mais plus c'est long...
Je me gare au pont de la Valloire dans le but de revenir par la Grande Valloire et monte à la Tour puis à l'Arpette. Je dépasse une famille avec un bien petit marcheur (5 ou 6 ans) : bravo à lui pour cette montée bien raide. Puis je tire à gauche rejoindre la crête herbeuse fort longue qui mène à la Grande Roche (attention, l'altitude 2345 m sur IGN correspond à un point géodésique loin du sommet, qui est lui autour de 2430 m). Descente ensuite sur le passage Odru (2410 m) où l'escalade commence pour de bon. 500 m de dénivelé sur le papier et sans doute bien 200 de plus en réalité compte tenu des descentes intermédiaires (le logbook indiquera 2140 m d'ascension alors qu'il n'y a "que" 1900 m entre la voiture et le sommet).
Allez, je détaille un peu pour ceux qui voudraient y aller. On reste en Belledonne : le rocher est nettement moins compact qu'aux arêtes du Pin mais il reste bon dans les passages d'escalade à partir du 3 et c'est ce qu'on lui demande.
Première partie rando jusqu'à une désescalade sur une dalle fissurée (évitable par un couloir côté sud) en 4c à l'ancienne. Sympa. Plusieurs petites brèches à franchir et encore une désescalade en 3, évitable par un rappel de 15 m (j'ai équipé d'une sangle mais suis passé en désescalade sans corde, l'éthique est sauve !).
On poursuit sur le fil qui se raidit mais sans véritable difficulté (3 max) avec une nouvelle descente. Là encore, j'ai laissé une sangle sur un becquet pour équiper un rappel (15 m) au cas où mais ça passe sans en désescalade (3/4).
Quelques passages de 3 plus tard et on arrive au pied d'un ressaut raide orienté nord-ouest. On le gravit par la droite (excellent rocher gris, 4c/5a) en deux longueurs de 30 m.
La fin est en rocher pourri : après une désescalade délicate mais facile, on passe versant nord dans des blocs blancs (3, rocher juste correct) puis on finit dans des blocs croûlants au sommet.
Une petite pause ravito et six bouquetins plus tard, j'attaque la descente inconnue mais qui ne doit pas être bien méchante sur le col d'Arguille. Et effectivement, pas de souci même si ça ne relève pas de la randonnée. L'idée étant de boucler vers le nord, j'attaque le glacier d'Arguille qui s'avére être encore bien présent avec de la glace vive, recouverte par endroit de la neige fraîche d'il y a dix jours, parfois même sur une vintgaine de centimètres. C'en est même trop avec mes chaussures tige basse mais au moins, ça descend facile avec mes crampons mini-pointes. La pente se raidit, en même temps que la glace devient obligatoire. 35° probablement, rien d'exceptionnel mais avec cette glace, la chute est absolument interdite. Ne le sentant pas avec ces crabes "Playmobil", j'ancre la pointe de mon piolet à chaque pas, en direction d'une langue de neige plus meuble. Et soudain, c'est (presque) le drame. Le piolet mal frappé me rebondit au visage. S'ensuit du sang sur la neige, sans doute une balafre mais surtout, plus de piolet qui file sur le glacier (s'arrêtant 30 m plus bas) !
Je suis là avec mes pauvres crampons, le nez sur la glace, ne sachant plus quoi faire. J'étudie toutes les possibilités : passer quand même, remonter, traverser vers cette langue de neige, poser une corde sur un caillou enchâssé dans la neige, appeler les secours (si si, je commençais à me voir y passer la nuit) mais sans réseau ici, ça commence à sentir le roussi.
Je récupère le brin inférieur d'un de mes bâtons (heureusement, sinon il ne restait que le couteau) et avec la pointe en métal (heureusement, la pointe de l'autre bâton est cassée...) je taille des marches (une vingtaine) pour remonter jusqu'à la neige meuble et faire le point. C'est long mais chaque pas est assuré. Dire qu'à skis on est rando en peaux là...
Finalement, je traverse dans la neige fraîche et rejoins les rochers de la rive droite puis, en-dessous, une langue de neige fraîche. J'arrive à la hauteur de mon piolet mais qui reste quinze mètres sur la gauche avec une langue de glace à traverser pour le rejoindre. Deux options : continuer à descendre sans (pour le moment c'est rando mais plus bas ?) ou aller chercher le piolet. J'opte pour cette seconde option : rebelotte taillage de marches à la pointe du bâton. Je suis rôdé. Il est 16h30. Tout est bien qui finit bien. Je file vers le lac Blanc par la fin du glacier et les moraines bien merdiques puis par le sentier de la Grande Valloire. Heureusement que j'avais pris la frontale pour la partie forestière inférieure.
Moralité : petit glacier mais une vraie saloperie. Ne pas le prendre à la légère et contrairement à celui de Freydane, il n'est pas évitable.
Sinon, belle course très sauvage, niveau AD. Prendre 30 m de corde à simple, 3 sangles, un jeu de friend petits/moyens et quelques mousquetons.