Croix de Belledonne : voie historique. 29 août 2010
Publié le 29 Août 2010
A la fin du XIXè siècle, la croix de Belledonne est une des grandes classiques de la randonnée grenobloise. On partait à pied d'Uriage, on montait aux Seiglières et on allait dormir au refuge de la Pra, inauguré en 1888. Le second jour, la montée à la Croix est une formalité (800 m de déniv) mais pas la descente, bien longue jusqu'à Uriage. Fort heureusement, à cette époque où l'on prenait son temps, sans doute les randonneurs faisaient-ils étape à la Pra pour se restaurer au retour à midi, avant de descendre dans l'après-midi.
Il y a longtemps que je voulais répéter cet itinéraire historique, maintenant délaissé au profit de la voie normale depuis Freydières (Revel), bien plus courte. Comme on est en 2010, qu'on est autrement équipé qu'il y a 100 ans, et qu'on a aussi l'entraînement, il fallait réaliser bien sûr l'itinéraire d'une traite.
Dernier point, à partir de 1894, la ligne de tramway Grenoble - Uriage - Vizille permettait aux grenoblois de se rendre facilement à Uriage, point de départ de la course. Le tram n'existant plus, il me restait trois possibilités pour monter à Uriage : en voiture (afin de choisir l'horaire de départ), en car (pouvant s'apparenter au tram) ou à vélo. J'ai finalement opté pour cette dernière solution, la plus "éthique" et qui, finalement, ne rajoute pas un énorme effort à l'ensemble. Et réaliser la Croix depuis chez moi est une idée qui me plaît bien.
Il fait encore nuit lorsque je quitte mon domicile grenoblois. Je roule tranquillement jusqu'au Sonnant-d'Uriage où le vélo est cadenassé sur un panneau à l'entrée du sentier qui doit me mener aux Seiglières. J'espère l'y retrouver au retour ! Encore une fois, un peu de pinaillage au départ (les constructions récentes ayant fait disparaître un sentier présent sur la carte et que j'avais choisi d'emprunter) et j'arrive aux Seiglières avec un peu de retard sur mon planning. Non pas que je fasse la course mais le planning me permet de gérer l'effort. Je jette un coup d'oeil au panneau situé au départ du sentier de l'Oursière : j'espère pouvoir au moins diviser les horaires par 2, sinon, on n'est pas rendu !
La montée à la cascade de l'Oursière est rapidement avalée mais je me tords la cheville entre deux cailloux. Au départ, je n'y prête pas trop attention car cela m'a paru très léger mais un peu plus haut, lorsque je débouche sur le magnifique replat herbeux qui va me mener au refuge de la Pra, une douleur se fait sentir dans certains mouvements. Je décide de poursuivre car normalement, ce mouvement de la cheville n'intervient pas en randonnée mais j'y serai vigilant tout au long de la course.
Quoi qu'il en soit, je me sens bien, d'autant qu'il fait froid, très froid avec de la gelée blanche. Un léger vent de nord rafraîchit encore l'atmosphère m'obligeant à sortir les petits gants emportés pour l'occasion.
Il n'y a pas grand monde sur ce sentier : un randonneur-coureur m'a doublé à l'Oursière : lui-aussi monte à la Croix mais à partir des Seiglières, il peut se permettre d'allonger la foulée. De mon côté, je gère l'effort sans trop appuyer, réservant une accelération pour la fin s'il me reste du jus.
A partir de la Pra, de nombreux randonneurs montent eux-aussi à la Croix. Certains sont partis de pré Raymond (Revel), d'autres du refuge. Je double pas mal de monde dans la montée aux lacs du Doménon.
Le moindre petit ruisselet est gelé. Une vraie journée d'automne comme on les aime
Encore du plat (beaucoup, beaucoup de plat) et me voici au pied du névé de la Grande Pente qui n'existe plus (ou presque plus). La terrain est très caillouteux mais les nombreux randonneurs déjà engagés dans le passage me motivent. Je décide d'accélerer jusqu'au sommet. La Suunto affichera entre 15 et 18 m/min, un bon rythme pour finir un peu essouflé à la Croix.
Le panorama est toujours aussi beau du sommet : le lac Blanc en contre-bas et tout au fond à gauche, Grenoble d'où je viens. Il y a un peu de monde mais pas tant que ça. Je me pause 15 minutes au sommet pour me ravitailler, faire quelques photos et soulager les jambes avant la longue descente qui m'attend. J'ai mis 5h15 pour monter depuis Grenoble. Je suis assez content puisque j'avais estimé la montée à environ 5h00.
Mais comme toutes les belles choses ont une fin, il est temps de passer à la descente, moment tant redouté par le randonneur qui souhaite préserver les genoux. Je le sais, ça va être traumatisant. Soit je descends doucement et je vais mettre des plombes, soit j'accepte de courir sur cetaines sections (sentiers bien lisses et parties plates) et les jambes vont chauffer.
J'attaque très doucement pour habituer les muscles à l'effort de descente, profitant du paysage.
Au niveau du col du Bâton, de petits lacs encore gelés ajoutent une belle décoration au pic du Grand Doménon qui fait le fier.
Dansd le même temps, des cirrus font leur apparition dans le ciel, meublant ainsi cette partie de la photo car, rappelons-le, le ciel tout bleu n'est pas l'ami du photographe qui a besoin de motifs plus variés.
Le rythme s'accélère dans la descente sur les Doménon puis sur la Pra où, pour éviter l'ignoble raidillon caillasseux sous les lacs, je décide de tester le passage en rive gauche. Pas si pire finalement et on arrive directement à la Pra.
Ayant bien entamé ma réserve d'eau, je décide de refaire une pause de 15 minutes afin de finir mes vivres (ou presque) et de refaire le plein d'eau. Fort heureusement, il fait toujours aussi frais, le brouillard ayant la bonne idée de se joindre au jeu. Entre la Pra et l'Oursière, je cours mais les gros cailloux du replat de l'Oursière ont raison de ma motivation avec ma cheville qu'il faut préserver. Toute cette section jusqu'aux Seiglières me paraît au moins aussi longue qu'à l'aller. Faut dire qu'avec tous ces plats...
Le joli petit bassin du parking de l'Oursière ne coule pas pour rien et je repars avec 1 litre d'eau fraîche. J'emprunte la route jusqu'à la cabane des Seiglières où un couple s'arrête en voiture et me propose gentiment de me descendre. Je commence à avoir bien mal aux pattes et c'est très tentant mais je dois aller au bout de mon projet. Je reprends sente pour sente l'itinéraire de montée jusqu'au Sonnant-d'Uriage. Ce n'est pas le plus court mais au moins, je n'ai pas à faire le point sur la carte. L'arrivée au vélo est un grand moment. Je sais que c'est presque gagné (reste quand même à ne pas se faire renverser par une voiture en descendant sur Gières) et l'effort en devient très plaisant. Ouf ! C'est fait. En arrivant à la maison, je bois trois litres d'eau pour limiter les dégats pour les jours à venir.
Quelques chiffres pour finir. C'est long, environ 70 km dont 50 à pied et pas loin de 2900 m de dénivelé en comptabilisant toutes les petites redescentes intermédiaires. Beaucoup de plat comme en attestent les horaires : 5h15 de montée contre quand même 4h de descente. Ensemble de 9h30 avec la pause sommet, en autonomie totale.