Traversée de Belledonne, J1
Publié le 6 Juillet 2013
Ca faisait un moment que j'y pensais. Quelques repérages récents, les diverses infos nivo disponibles, tout laisse penser que 80% des descentes se feront skis aux pieds bien que l'on soit début juillet à une altitude moyenne de 2500 m. Ce sont des conditions incroyables. Notez seulement : à l'heure où j'écris ces lignes, la nivose de l'Aigleton affiche encore 50 cm au compteur. A titre de comparaison, elle était à zéro le 15 juin 2010. Pourtant, trois semaines plus tard, je m'offrais deux jours de ski en Belledonne. Il est donc tout à fait possible que le secteur Belle Etoile-Dent du pra skie encore début août mais en attendant, cela confirme que la neige est toujours présente en quantité au-dessus de 2000 m. L'idée de réaliser une traversée estivale au milieu de somptueux paysages avec notamment le dégel des lacs (ci-dessous, le lac Blanc lors de cette traversée) nous enchante avec Thibaut.
Le côté original aussi : qui sait si une telle traversée "juilletiste" a déjà été réalisée ? Un des avantages de la date, c'est que l'on sera sur de la neige 100% névé nous permettant de nous passer du matériel de sécurité (DVA/pelle/sonde). Autre avantage, on sera léger question vestimentaire, boisson aussi car l'eau coule de partout. Inconvénient : l'un comme l'autre, on souffre de la chaleur.
Dans tous les cas, le sac sera léger et c'est un bon point.
5h00. Le jour se lève à Chamrousse et c'est là que la traversée commence.
Elle commence par une marche paisible et à la fraîche jusque vers les lacs Robert.
Ce sera le premier d'une longue série de lacs. Nous passerons en effet soit à côté soit nous verrons de loin les (magnifiques) lacs suivants : Robert, Bernard, Longet, Claret, Merlat, Crozet, Bois, Boeuf, Petit Doménon, Grand Doménon, Blanc, Crop (encore en partie gelé à moins de 2000 m d'altitude !), Coche, Belle Etoile, Sept-Laux (Sagne, Corne, Cos, Cottepens, Carré, Motte, Noir, Blanc... oui ça fait huit !), Trois Laux (Blanc, Folle, Noir, glacé... oui ça fait quatre !), Morétan (Inférieur et Supérieur) soit une trentaine de lacs sans compter les flaques annexes et ceux qui sont en plusieurs "morceaux" avec un seul et même nom.
Pour la traversée, quelques précisions par rapport à l'hiver. Malgré l'enneigement digne d'une fin mai (et encore avec des quantités supérieures au-dessus de 2300 m), des zones de portage seront obligatoire : le départ depuis Chamrousse et assez longuement (mais à la montée donc pas très grave pour le ski), avant et après le pas de la Coche (perte de temps estimée à près d'une heure par rapport à un passage skis aux pieds) dans la traversée du Veyton puis vers les Grands Moulins et la descente finale sur Prodin. Du coup, l'idée étant de faire du ski, on décide de s'en tenir à un ensemble Chamrousse-Gleyzin. C'est d'ailleurs cette traversée qui a été la première connue de Belledonne et qui reste la plus classique et la plus skiante. Ayant déjà fait la quasi intégrale jusqu'à St-Hugon d'une traite (21 mars 2009 avec Marco en 18h), l'idée est alors de gravir les beaux sommets au passage, de faire différemment.
C'est dans cette idée qu'on finit par chausser les skis dans la vallée "du silence", en direction de la Grande Lauzière. L'ensemble imaginé faisant autour de 7000 m de dénivelé, ne se sentons pas de le faire d'une seule traite, on choisit l'étape au refuge des Sept-Laux.
L'arrivée au sommet de la Grande Lauzière est une belle récompense, au milieu de chamois et mouflons. D'ici se dévoile la suite et ça parait bien long !
Photo au sommet : on est encore frais.
Sans traîner, on glisse vers le lac du Bois en face est. Premier petit souci, mes peaux bien trempées qui ne collent déjà plus. Cela nous vaudra une vingtaine de minutes de pause pour les faire sécher et c'est reparti. Cela nous permettra aussi d'anticiper pour la suite et de ne plus avoir aucun problème de cet ordre. On apprend...
Face à l'Oisans et au-dessus du lac du Bois, on monte à la croix de Belledonne.
En passant près du lac du Boeuf.
C'est le début d'un voyage "lacustre" d'une beauté inoubliable.
Trente minutes plus tard, voici la Croix. Le culmen du jour est validé.
Déjà près de 2000 m au compteur et la route est longue. Après avoir hésité, on laisse tomber le couloir des rochers Rouges encore un poil dur avec une entrée à 50° et des rochers partout et on passe par Freydane.
Somptueuse descente face au Grand Pic.
On ne se lasse pas de regarder cette muraille.
Mais aujourd'hui, le plus beau est sans doute vers l'aval.
Le lac Blanc en débacle dans lequel nous "plongeons". Ce sera L'image de la journée.
On refait le plein d'eau pour la seconde fois de la journée (on attaque donc déjà notre troisième litre) et on file vers le rocher de l'Homme.
Il commence à faire un peu chaud mais rien de très gênant. Un bon plan tout ça.
Le couloir nord est un régal et vite avalé. On enquille ensuite sur la Mine de Fer.
Puis ce sera la brèche de Roche Fendue.
Pas de photo de nos trombines sur ces deux passages qui ne demandent que de courtes remontées (2x100 m de déniv) et qu'on ne peut pas considérer comme de passages et encore moins de vrais sommets. On descend ensuite versant est sur le Rivier-d'Allemont.
On croise deux randonneurs, un peu stupéfaits quand ils apprennent d'où l'on vient depuis le matin et où on va. La neige s'arrête comme prévu vers 2000 m. Il est temps de refaire le plein d'eau et de mettre les baskets pour une traversée vers le pas de la Coche.
On essaie de suivre de vagues sentes à flanc de montagne et ça marche plutôt pas mal sur cette portion prévue comme un peu la punition de la traversée. Finalement, ça passe plutôt bien et ça permet de se "reposer" un peu avant la souffrance des 800 m de montée en plein soleil à la Belle Etoile.
Pour ma part, je souffre dès le début de la montée. Thibaut va mieux et prend quelques mètres d'avance. Une fois skis aux pieds, la jonction s'opère et la relative fraîcheur des névés fait du bien.
Le couloir sommital est quand même bien chaud sans le moindre souffle d'air. Ca tire !
Eh bien voilà, c'est fait ! Il ne reste plus qu'à se laisser glisser vers les 7 Laux (lacs).
Enfin, pas tout à fait.
Au lac de Belle Etoile, on remet les peaux pour remonter 100 m jusqu'à un collu qui permet de rejoindre une combe nord-est "tombant" pile sur le refuge.
On déchauffe au bord du lac Cottepens sous les yeux ébahis des randonneurs. Il est un peu plus de 16h. On est bien cuits et on va faire le maximum pour récupérer.
3600 m de dénivelé positif pour 3200 négatifs dont 2900 skiés. Pas mal pour un mois de juillet ! Sur la photo ci-dessus, le refuge, et à gauche la combe par laquelle nous y sommes arrivés.
Quelques conneries pour finir la journée. On n'est finalement pas si fatigués que ça. On compte sur la nuit pour jouer son rôle récupérateur parce que demain, y'a encore du pain sur la planche.