Une des situations vraiment désagréables que l'on peut vivre en montagne est le brouillard. L'absence de visibilité dans ce lieu où l'on vient en mode contemplatif est une véritable plaie. Nous l'avons expérimenté avec Nico cet après-midi. Suivant les prévisions de la météo, on se tient prêt pour l'éclaircie de la mi-journée. A onze heures, les webcams se déchirent. Ca sent bon. On s'appelle, se prépare et on démarre.
Arrivés au Super Collet, le brouillard reste bien présent. La rotation est rapide avec le nouveau télésiège six places. Une première descente nous permet de tester la neige bien humide sous 1900 m. On remonte. Le brouillard devient abominable. Impossible de sortir de la piste et la suivre est même compliqué. Il faut naviguer en allant de piquet en piquet. Du ski à la Gilbert Montagné dira Nico ! Au bout de la cinquième descente, nous renonçons à l'idée de partir randonner vers le petit Charnier. Retour at home. Le ciel se dégagera au-dessus de 1600 m pour la fin de journée. Pas de chance.
Mais cette plaie déjà expérimentée dans d'autres occasions toutes aussi rageantes (brame du cerf à ne pas voir un animal alors que ça gueule à quelques mètres !) n'est rien à côté de nombreuses plaies de notre société comme toutes les affaires politiques qui font grand bruit en ce moment et qui font de la France une sorte de "monarchie démocratique" dont la majorité des Français abhorre aujourd'hui. Dans notre monde de la montagne, nous avons déjà évoqué ici de nombreuses plaies pour lesquelles nous sommes nombreux (pour ne pas dire majoritaires) à vouloir une évolution : les règles de pratique de la chasse datant des années soixante-dix, la course à l'armement mécanique alors que la demande en ski dit alpin est à la baisse, la déresponsabilisation de plus en plus grande de l'humain et, en ce moment particulièrement, l'entêtement d'une poignée d'hommes envers et contre (presque) tout dans certains projets comme celui des lignes THT des Hautes-Alpes. Cette plaie n'est rien aux yeux de certains : juste une saignée dans le paysage. Et c'est pourtant justement ça le problème. D'autant que dans ce cas (ce qui ne serait pas possible pour un projet éolien), des solutions alternatives (enfouissement) existent. Les promoteurs parlent de coût élevé. Les détracteurs contre-attaquent et proposent un projet pas si onéreux que ce que l'on croit. A la limite, peu importe je dirais. Etant donné l'état de notre planète aujourd'hui, même si le projet s'avérait un peu plus cher, ne faut-il pas mettre tous les moyens en oeuvre pour choisir celui ayant le moins d'impact sur notre environnement ?
Pour avoir zoné à l'aveugle dans le brouillard sur les pistes du Collet, j'insiste sur le fait que la vue est capitale. Une saignée électrique dans la vallée de la Durance est une plaie qui sera difficile à panser. Ne lâchons rien. Même si les premières cicatrices sont déjà visibles, le projet peut encore changer de support. Le Verdon a déjà gagné ce même combat il y a quelques années ; ne l'oublions pas !